Giacomo Scotti

Publié le 12 Novembre 2009

Giacomo Scotti

 

 

 

Giacomo Scotti est un journaliste et écrivain de nationalité italienne et croate qui est né à Saviano, à proximité de Naples, le 1er décembre 1928. En 1947, il a immigré en Croatie, où il a d'abord vécu à Pula avant de s'installer à Rijeka. Depuis 1948, il s'occupe de journalisme à titre professionnel tout en se consacrant à la littérature.

 

A partir de 1986, il vit et crée à cheval entre l'Italie et la Croatie, ses deux patries. Conteur, poète et essayiste il a écrit et publié tant en italien qu'en croate plus de 100 oeuvres (romans, recueils de nouvelles, livres de poésie, récits pour enfants ainsi que des essais dans le domaine de l'ethnographie et de l'histoire). La plupart de ses oeuvres ont été traduites dans 12 langues européennes. Pour sa riche activité littéraire il s'est vu décerner nombre de reconnaissances en Croatie et à l'étranger.

 

Depuis la moitié du 20ème siècle, par ses traductions d'articles, ses essais et anthologies, il a apporté à l'Italie une contribution substantielle à l'affirmation de la littérature slave du Sud, notamment macédonienne. Avec cela, il a publié les anthologies suivantes : La poesia macedone (Sienne, 1965), Narratori macedoni (Sienne, 1967), Canti popolari macedoni dal Medio Evo ad oggi (Milan, 1971). Dans divers recueils il a présenté au lectorat italien certains poètes et conteurs de manière individuelle : Blaze Koneski (La ricamatrice, 1967), Bozin Pavloski (L'ombra di Radovan, 1968), Mateja Matevski (Nebbie et Tramonti, 1969), Boris Visinski (L'arcobaleno, 1971 ; La Valanga, 1975), Ante Popovski (Terra di Macedonia, 1972), Slavko Janevski (Il soldato due metri sotto terra, 1975), et Koco Racin (Albe candide, 1975). En outre, par ses traductions d'articles dans des revues culturelles, il a porté à la connaissance du public italien plus d'une vingtaine de prosateurs et conteurs macédoniens, allant de Konstantin Miladinov à Risto Jacev et Sande Stojcevski.

 

Giacomo Scotti est membre du P.E.N. croate, de l'Association des écrivains croates et de l'Association des écrivains italiens. Il est engagé dans les mouvements pacifistes européens.

 

 

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Les trois articles qui suivent sont à caractère polémique :

 

I

Soixante ans de "purifications ethniques"

 

 

Durant la seconde guerre mondiale, les Occupants entreprirent d'exterminer par centaines de milliers juifs et roms, mais aussi Serbes, Croates et Slovènes. Un demi-siècle plus tard, le démantèlement de la Yougoslavie suscita de nouveaux massacres, où chaque communauté fut tour à tour bourreau et victime.

 

 

Par Tommaso di Francesco et Giacomo Scotti

 

"Du mois d'avril jusqu'à l'automne, les campagnes du Kosovo ont été mises à feu et pillées. J'étais là-bas : les incendies et pillages continuèrent jusqu'à la mi-octobre. Je n'oublierai jamais le pauvre spectacle qui s'offrit à mes yeux le 18 octobre, quand, descendant des montagnes de la haute vallée de l'Ibar, je vis une longue et pitoyable colonne de déplacés serbo-monténégrins. Ils se réfugiaient en ville, traînant le peu d'affaires qu'ils avaient sauvées, chargées sur des chariots, des brouettes ou encore, comme de lourds ballots, sur leurs épaules."

 

Ce récit pourrait émaner d'un des vérificateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Non : il date de 1941 et il est extrait du "Rapport sur les campagnes yougoslaves", rédigé par l'agronome italien Giovanni Lorenzoni (1). C'est dire que les "épurations ethniques", en ex-Yougoslavie, plongent leurs racines loin dans l'histoire. Si le régime de M. Milosevic impose aux Albanais de cette région (80% de la population, selon le recensement de 1991) une tragique migration-épuration, il s'agit là, aux yeux de nombreux Serbes, d'une rétorsion : contre le bombardement de la Serbie par l'OTAN, mais aussi contre les "nettoyages" dont ils furent victimes autrefois.

 

Durant la seconde guerre mondiale, les occupants fascistes et nazis démantelèrent la Yougoslavie. Ils y créèrent des Etats fantoches, à la tête desquels ils placèrent des dictateurs fascistes - Ante Pavelic en Croatie, Milan Nedic en Serbie - tout en annexant les autres parties (2) : le Monténégro devint un protectorat de l'Italie, laquelle annexa par ailleurs une partie de la Slovénie, la plupart des îles de la Dalmatie et une partie du territoire croate ; pour sa part, le IIIe Reich s'adjugea l'essentiel de la Slovénie. La Hongrie, elle, s'empara d'un autre bout de la Slovénie et du gros de la Voïvodine. La Bulgarie mit la main sur presque toute la Macédoine. Le Kosovo et la Macédoine occidentale furent annexés à la "Grande Albanie", sous contrôle de l'Italie. Dans chacune des régions ainsi annexées, on eut recours à des méthodes terroristes pour germaniser, italianiser, magyariser, bulgariser.

 

L'Allemagne déporta des centaines de milliers de Slovènes en Serbie ou dans les camps de concentration. Des dizaines de milliers de Slovènes et de Croates, pour la plupart des intellectuels, furent incarcérés en Italie : 10.000 moururent de faim, de maladie ou de torture. Des milliers d'autres furent fusillés dans les zones annexées. "On ne tue pas suffisamment !", écrivait dans une circulaire en date du 8 août 1942, le général Mario Robotti. Le même, s'inspirant d'une directive de Mussolini de juin 1942, ordonnait : "Je ne vais pas m'opposer à ce que tous les Slovènes soient emprisonnés et remplacés par des Italiens. Autrement dit, il faut faire en sorte que frontières politiques et frontières ethniques coïncident."

 

Dans la Croatie des oustachis, transformée en colonie allemande, on perpétra d'épouvantables massacres contre les Serbes, et les survivants furent systématiquement exterminés dans les camps de Slano (Pago), Jadovno, Stara Gradiska, Jasenovac et autres, où périrent au moins 600.000 Serbes, juifs, tziganes et antifascistes croates (3).

 

En Serbie aussi, l'occupant allemand ouvrit des camps d'extermination. Dans celui de Sadmiste, entre la fin 1941 et le printemps 1942, les nazis assassinèrent quelque 7.500 juifs et 600 roms, puis des détenus d'autres nationalités - au total, 47.000 personnes. Dans celui de Bandica, l'hécatombe se chiffre à 80.000 morts. Des dizaines d'autres internés furent déportés à Auschwitz, Buchenwald, Dachau, etc., où presque tous périrent. Un camp pour enfants fonctionna même à Smederevska Palanka, à partir de 1942.

 

Selon des données définitives, publiées en 1964, le "nettoyage ethnique" mis en oeuvre par les puissances de l'Axe et leurs collaborateurs durant l'occupation de la Yougoslavie a fait plus d'un million de victimes.

 

 

Au Kosovo

 

Parmi celles-ci figurent l'essentiel des habitants d'origine serbe et monténégrine du Kosovo. Presque tous furent exterminés, entre avril 1941 et octobre 1944, par les "balistes". Ces miliciens fascistes albanais kosovars et des nationalistes du "Bali Kombhtar" avaient d'abord collaboré avec les Chemises noires italiennes, dans la "Grande Albanie" (étendue à la Macédoine occidentale) occupée par les troupes de Mussolini. Puis, à partir du mois de septembre 1943, ils se mirent au service des SS allemands. Ils commirent, avec les uns et les autres, de terribles massacres contre les Serbes.

 

Avec la victoire des partisans de Tito, la République populaire de Serbie rétablit sa souveraineté au Kosovo. Mais les Serbes expulsés du Kosovo ne furent pas encouragés à y revenir. La Résistance voulait rallier à sa cause les Kosovars et s'engagea dans une mobilisation forcée des jeunes albanophones qu'elle envoyait sur le front de Srem, où les Allemands s'accrochèrent entre septembre 1944 et avril 1945. Pour enrôler les jeunes Albanais, tous les moyens furent bons, y compris des exécutions, que le premier congrès du Parti communiste serbe dénoncera en 1945.

 

Cette autocritique n'empêchera pas, au cours des premières années de l'après-guerre, une sanglante répression contre les Albanais orchestrée par le ministre de l'intérieur Alexandre Rankovic, que Tito éloignera du Politburo. Beaucoup plus tard, grâce à l'autonomie octroyée par Belgrade au Kosovo, avec la Constitution de 1974, les Albanais de la province purent exercer une véritable hégémonie politique, culturelle et sociale dans la région. Si bien que, à partir de 1980, les Serbes du Kosovo commencèrent à se révolter contre leur "subordination". Encouragés par les dirigeants de Belgrade, en premier lieu M. Slobodan Milosevic, ils multiplièrent les affrontements avec les Albanais, et réciproquement. C'est cette spirale de violence entre nationalismes opposés qui - de révoltes locales en campagnes de "viols ethniques" contre les femmes serbes, de nouveaux attentats terroristes en répressions sanglantes - mena, après l'instauration de l'état d'urgence, à la suppression de l'autonomie, en 1989. Les bases de la tragédie actuelle étaient jetées.

 

Durant les dernières dix années, quelque 400.000 habitants du Kosovo ont quitté la région. La plupart fuyaient la pauvreté, mais aussi les vengeances croisées des deux camps et la chape de plomb du contrôle militaire imposé par M. Milosevic. Parmi ces émigrés, on compte des Albanais, des Turcs, mais aussi des Serbes. Ces derniers représentent à peine 10% de la population totale. On estime qu'entre 1989 et la fin de 1998, la pression permanente des Albanais et, depuis trois ans, les violences de l'Armée de libération du Kosovo (UCK) ont contraint plus de 10.000 paysans serbes à vendre leurs terres et à abandonner la région.

 

 

En Voïvodine et en Istrie

 

Deux autres régions pluriethniques ont également subi un "nettoyage" dans l'immédiat après-guerre : l'Istrie et la Voïvodine. Là aussi, l'expulsion des populations "importunes", c'est à dire non slaves, eut pour origine le tout-puissant ministre de l'intérieur yougoslave : Rankovic s'en prenait aux minorités accusées d'avoir collaboré avec l'ennemi. Nombre d'Allemands de Voïvodine, pour la plupart établis dans la Backa, propriétaires de grandes fermes, avaient en effet fait partie des milices nazies lors de l'occupation de la Yougoslavie : 100.000 d'entre eux - presque tous - furent expropriés et expulsés, leurs terres furent assignées à des anciens combattants pauvres, provenant des régions plus arriérées et moins fertiles du pays.

 

En Istrie et dans le Quarnero, l'opération fut moins radicale, car de nombreux habitants choisirent de ne pas vivre sous le nouveau régime - ils avaient déjà fait les frais, dans les premières années de l'après-guerre, des attaques des gens venus d'autres régions de la Yougoslavie, et qui n'avaient souvent rien à voir avec la Résistance. De juin 1945 à la fin 1947, 180.000 Italiens passèrent la frontière. S'y ajoutèrent environ 100.000 personnes, y compris d'anciens partisans et antifascistes, qui partirent après la rupture de Staline avec Tito (1948-1949) ou du fait de la "crise de Trieste" (4). L'ex-Yougoslavie compte désormais moins d'un millier d'Allemands et quelque 40.000 Italiens.

 

Avant d'en venir à la nouvelle "purification ethnique", beaucoup plus connue, qui a ensanglanté la Croatie et la Bosnie-Herzégovine de 1991 à 1995, il importe de rappeler qu'elle a été précédée d'une décennie d'incitations à la haine, auxquelles se sont livrés les leaders nationalistes arrivés au pouvoir à Zagreb, à Belgrade et à Sarajevo après la mort de Tito. La plupart des médias n'avaient de cesse de prôner la séparation des ethnies, y compris par la force.

 

 

De la Lika à la "Tempête"

 

En Croatie, avec la réapparition des oustachis, on a rouvert un peu partout la chasse aux Serbes. Ceux-ci n'ont pas tardé à réagir, se soulevant dans les territoires où ils étaient majoritaires - Slavonie, Kordun, Banovina, Lika. Ils y vivaient depuis des siècles, et cela suffit pour expulser de ces régions près de 80.000 Croates. La riposte vint en mai et août 1995 : avec l'approbation des Etats-Unis et le soutien de l'OTAN, l'armée du président croate Franjo Tudjman lança les opérations "Eclair" en Slavonie occidentale (5) et "Tempête" dans la Krajina de Knin. Ces deux opérations aboutirent à la reconquête de cette région et à l'expulsion de 360.000 Serbes (6). D'autres dizaines de milliers de Serbes ont aussi été contraints de s'enfuir d'autres villes et régions de Croatie. M. Tudjman ne s'est-il pas récemment vanté d'avoir réduit la proportion de Serbes dans son pays de 12% en 1991 à 2% ou 3% désormais (7) ?

 

La seule région où les Serbes soient restés majoritaires, c'est la Slavonie orientale. D'abord placée sous administration onusienne, elle a été rendue à la souveraineté de Zagreb en juillet 1997. Depuis, là aussi, un "nettoyage ethnique" est en cours, mais latent et silencieux. Il n'en a pas moins réussi à réduire de moitié le nombre de Serbes, évincés de leurs maisons et de leurs terres par des pressions politiques combinées avec des attentats criminels d'origine "inconnue"...

 

 

En Bosnie

 

En Bosnie-Herzégovine, la "purification ethnique" a été réalisée presque partout, et de manière radicale. Sur les 4 millions d'habitants actuels (contre 5 millions avant guerre), moins de 1 million vivent dans le village où ils sont nés. Les Croates ont nettoyé "leur" Herzégovine, chassant Serbes et Musulmans. La même opération s'est produite dans les régions de la Bosnie centrale et dans la Posavine bosniaque. Les Musulmans ont chassé Serbes et Croates de Sarajevo (de 80.000 à 100.000 d'entre eux ont fui la ville en mars 1996, après les bombardements de l'OTAN contre les troupes serbo-bosniaques qui l'assiégeaient) et des autres régions conquises par les armes sur le territoire de la Fédération. Quant aux Serbes, ils se sont débarrassés des Musulmans et des Croates dans leur Republika Srpska. Dans cette féroce "épuration ethnique" réciproque, un rôle majeur revint, en matière de terreur physique et psychologique, aux traitements barbares infligés dans les camps de prisonniers créés par les Croates comme par les Serbes - avec notamment, s'agissant de ces derniers, le camp d'Omarska, célèbre pour la pratique des viols des femmes. Les Musulmans en firent autant, à moindre échelle mais aussi férocement, notamment à Tarcin et à Celebici. En outre, ils "nettoyèrent" au sein même de leur ethnie, chassant leurs coreligionnaires "rebelles" de la "république" du douteux homme d'affaires Fikret Abdic.

 

Au total, actuellement, au moins 2 millions de Bosniaques - Serbes, Croates et Musulmans - sont des réfugiés : certains vivent à l'étranger, d'autres en Bosnie-Herzégovine, ou dans d'autres républiques de l'ancienne Yougoslavie - la seule Serbie en accueille plus de 700.000. Chacun d'entre eux, ou presque, le sait : il y a peu de chances qu'ils reviennent dans leurs foyers. Tous, ou presque, sont condamnés à l'exil, et pour toujours.

 

Des guerres des Balkans sortent des vainqueurs, mais aussi des haines folles et d'irrépressibles désirs de vengeance. L'histoire se répète alors, et les affrontements recommencent, car les conflits du passé ont toujours été "résolus" par la violence. D'où cette chaîne d'horreurs et de "purifications ethniques" que seules des solutions politiques pourraient briser.

 

 

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(1) Marco Dogo Kosovo, Marco ed., Lungro di Cosenza, 1992.

(2) L'occupazione nazifascista in Europa, sous la direction d'Enzo Colloti, Editori Riunitti, Rome, 1964.

(3) Rapport du sous-secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Stuart Eizenstat : US and Allied Wartime and Postwar Relations and Negotiations with Argentina, Portugal, Spain, Sweden, and Turkey on Looted Gold and Germany External Assets and US Concern about the Fate of the Wartime Ustacha Tresaury, sous la direction de William Slany, Washington DC, juin 1998.

(4) Depuis la Libération, la ville avait été dirigée par le gouvernement militaire allié. Avec l'abolition de ce dernier, en 1953, les Alliés cèdent unilatéralement Trieste à l'Italie, provoquant une forte tension avec Belgrade : Rome massera même des divisions militaires à la frontière yougoslave. Et la peur d'une guerre fera fuir de nombreux habitants.

(5) Les bombardements n'épargnèrent même pas l'ancien camp d'extermination de Jasenovac.

(6) Giacomo Scotti, L'Operazione Tempesta, Gamberetti Editore, Rome, 1996.

(7) Discours à la nation du président Tudjman au Parlement croate, janvier 1999.

 

Source : Le Monde diplomatique

 

 

 II

Seconde Guerre mondiale : les mémoires partisanes d'ex-Yougoslavie

 

 

Osservatorio sui Balcani : Comment la Seconde Guerre mondiale était-elle évoquée sous la Yougoslavie socialiste ?

 

Giacomo Scotti : Le slogan et la politique d'après-guerre étaient ceux de "Bratstvo i Jedinstvo", Fraternité et Unité. De cette manière, Tito a cherché à sortir des horreurs d'une guerre qui n'avait pas seulement été une guerre de libération, mais aussi une guerre civile, ainsi qu'une bataille d'idées.

 

Si par exemple nous comparons la guerre des Partisans de Tito avec les guerres qui ont suivi l'éclatement de la Yougoslavie entre Croates et Serbes ou bien en Bosnie entre Serbes d'un côté et Croates et Musulmans de l'autre, mais aussi entre Croates et Musulmans, nous voyons qu'aucune des parties n'avaient d'idéaux, pas plus les Croates de Tudjman que les Musulmans d'Izetbegovic ou les Serbes de Mladic. Les partisans de Tito, eux, ont combattu pour des idéaux. Leur guerre avait pour perspective une société meilleure et plus juste pour tous. Mais quel idéal Mladic, Tudjman, et les autres ont-ils eu ? Uniquement celui de tuer, de mener à bien la purification ethnique, de faire la chasse à l'ennemi, lequel parlait pourtant la même langue, mais avait une religion différente.

 

O.B : Sous la période socialiste, la Seconde Guerre mondiale n'a jamais été évoquée comme une guerre interethnique. Cela peut-il avoir contribué aux guerres des années 1990 ? Que pensez-vous de la théorie qui dit que des "pages sont restées blanches", et que les nationalistes n'ont ensuite eu qu'à les remplir ?

 

G.S : Il est bien sûr demeuré des pages blanches, on cherchait ainsi à idéaliser l'histoire... Si l'on se mettait à trop parler des méfaits des oustachis, on risquait de fait de criminaliser un peuple entier, le peuple croate ; si on parlait trop des massacres perpétrés par les tchetniks, on mettait sur le banc des accusés et on criminalisait le peuple serbe, et ainsi de suite. On a cherché à passer ces choses sous silence afin qu'au moins les jeunes générations grandissent sans cette haine.

 

Un autre fait, après la mort de Tito, a amené la catastrophe et la guerre. Tudjman a fait rentrer en Croatie plus de mille exilés oustachis, parmi lesquels de fieffés criminels avec du sang sur les mains. Il a nommé ambassadeur de Croatie en Argentine un homme recherché pour crimes de guerre par les Nations Unies. Et que dire de Gotovina, cet ancien officier de la Légion étrangère ? Ces gens se sont dits que l'heure était venue de créer un Etat au nationalisme effréné.

 

Après la mort de Tito, les fantômes du passé sont revenus, ainsi que le retour des tchetniks et des oustachis en provenance d'Argentine et d'Australie, profitant du climat de démocratie qui s'était déjà instauré au cours des dernières années de la vie de Tito et au cours de ces dix dernières années qui ont suivi sa mort, de mai 1980 à avril 1991. Ce furent dix années de guerre menées à grande échelle par les principaux médias, qui ont préparé le terrain pour ces nouvelles guerres.

 

O.B : Un des éléments de cette bataille des médias a été celui de la mémoire de Jasenovac : il y a eu une forte polémique sur le nombre de victimes de ce camp d'extermination oustachi, ces chiffres devinrent un terrain d'affrontement entre les diverses forces nationalistes...

 

G.S : Dans l'historiographie officielle yougoslave, celle que l'on étudiait dans les écoles, on parlait de 700 à 800.000 victimes à Jasenovac, un camp symbolisant le complexe concentrationnaire de la Seconde Guerre mondiale. Jasenovac fut certes au centre de tout cela, mais il y eut aussi Stara Gradiska, Pago, une trentaine de camps en tout...

 

Tudjman fut justement le premier à lancer une estimation en baisse par rapport aux chiffres officiels. Depuis que Tito l'avait mis dans un placard en le chassant de l'armée, lui qui était général était devenu directeur de l'institut d'histoire de Zagreb. Ainsi, pendant une dizaine d'années, Tudjman est devenu un historien et a publié un certain nombre de choses. Parmi ses premiers écrits, il précise qu'il n'y aurait pas eu à Jasenovac plus de 40.000 morts. Bien que 40.000 morts demeurât un chiffre énorme, c'était de toute façon une estimation en forte baisse.

 

Aujourd'hui, les études les plus sérieuses parlent de 80. à 90.000 morts à Jasenovac. Le fait est là, on envoyait des gens à Jasenovac pour les éliminer physiquement. Mais alors que les nazis utilisaient des chambres à gaz dans les camps d'extermination, il n'y en a pas eu à Jasenovac. C'est seulement à l'hiver 1945, alors que tout s'écroulait déjà, que l'on fit appel à un ingénieur italien originaire de la région du Frioul, pour en construire une. Elle ne vit finalement pas le jour. La façon de tuer les gens, et il s'en tuait des centaines par jour, était des plus brutale. On était tué avec des masses de fer, déchiqueté, égorgé au poignard, les choses les plus barbares. Ce fut cela, le régime fasciste. Et il faut répéter que les massacres se sont répétés, pas seulement à Jasenovac. Il y eut des massacres un peu partout. Le soi-disant Etat indépendant de Croatie, nom officiel de l'Etat oustachi, créé entre autre par Mussolini, ne l'oublions pas, comprenait aussi toute la Bosnie-Herzégovine. Il est vrai que lors des accords de Rome de mai 1941, Pavelic, le chef de l'Etat oustachi, avait dû céder une grande partie du territoire de Gorski Kotor à la province de Rijeka, et qu'une grande partie de la Dalmatie avait été cédée à l'Italie pour créer les nouvelles provinces de Zadar, de Split et des Bouches de Kotor. Mais Pavelic fut récompensé ensuite, puisque la Bosnie-Herzégovine tout entière lui fut accordée, et la zone oustachi s'étendait jusque Foca.

 

Or sur ce territoire, les excès furent quotidiens. En additionnant tous ces massacres, on arrive à environ 800.000 victimes des oustachis. En se plaçant d'un point de vue symbolique, on peut considérer ces victimes comme les victimes d'un Jasenovac à grande échelle, et on arrive au premier chiffre cité. De ce point de vue, ni le chiffre de 40.000 ni celui de 80.000 ne sont exacts, même si je crois que le dernier chiffre s'approche de la réalité en ce qui concerne le seul camp de Jasenovac.

 

Et malheureusement, il y eut une période où le directeur de ce camp fut un frère franciscain, Fra Davolo comme on l'appelait : Fra Majstorovic, un Croate originaire d'Herzégovine...

 

O.B : Quel fut le rôle de l'Eglise catholique pendant la période du soi-disant Etat indépendant de Croatie ?

 

G.S : Aujourd'hui, Stepinac a été béatifié, alors qu'il était à l'époque le primat de l'Eglise catholique croate et l'archevêque de Zagreb. Je crois qu'il était au courant des massacres qui s'accomplirent tous les jours à partir du mois d'avril 1941. Je crois qu'il avait connaissance du fait que des centaines de frères franciscains, de simples curés, étaient devenus des dirigeants oustachis. L'Eglise catholique de Croatie a écrit de bien noires pages, avec Stepinac à sa tête.

 

O.B : Mais d'un point de vue historique, est-il exact de dire qu'il a été directement impliqué dans le camp de Jasenovac ?

 

G.S : Il s'est tu, et de toute façon il ne s'est pas révolté contre ces massacres, et jusqu'à la fin de l'année 1945 il a continuellement encensé le régime de Pavelic, dans toutes ses homélies, dans tous ses discours. Je ne dis pas qu'ils ont bien fait de le condamner à mort après la guerre. Mais on ne peut pas transformer en saint quelqu'un qui s'est comporté comme un fasciste, un point c'est tout.

 

 

O.B : Un mémorial, situé à quelques kilomètres de Jasenovac, représente un autre lieu de mémoire important de la Seconde Guerre mondiale en Yougoslavie : il s'agit du mémorial de Mrakovica, sur le mont Kozara, près de Prijedor. Quelle en est l'histoire ?

 

G.S : Le mont Kozara n'est pas une grande montagne, on peut l'atteindre de Prijedor sans trop grimper. Il s'agit d'un vaste plateau devenu le foyer d'un petite république de partisans. L'armée croate, épaulée par les Allemands, l'avait cerné et y avait conduit une opération de grande ampleur pour éliminer cette poche de résistance. De petites villes comme Prijedor aux pentes de Kozara, toute la population, en majorité musulmane, s'était réfugiée sur la montagne. Peu à peu le cercle se restreignit, les résistants combattirent infatigablement pendant des journées voire des semaines entières, puis, à bout de force, ils sacrifièrent des brigades et se lancèrent à l'assaut des assiégeants en tentant une percée à un seul endroit. Par cette brèche, quelques milliers de partisans ainsi qu'une petite partie des civils ont réussi à avoir la vie sauve. Comme on peut l'imaginer, les pertes furent énormes.

 

Après cela, les oustachis rassemblèrent toute la population civile qu'ils avaient trouvée sur le plateau, celle qui n'avait pas réussi à suivre les partisans et à avoir la vie sauve, en majorité des femmes, des enfants et des vieillards, et les déportèrent. Ils confièrent les enfants à des institutions religieuses, mais aussi à des laïcs, ils les firent baptiser selon le rite catholique. Quant aux autres, ils furent envoyés dans le camp de Jasenovac et dans d'autres, par exemple à Stara Gradiska, pour la majorité des femmes. De ce point de vue, Jasenovac et Kozara ont un lien car une grande partie de la population civile tombée aux mains des Oustachis et des Allemands finit à Jasenovac.

 

O.B: Une autre bataille, celle de la Sutjeska, a eu une grande importance dans les mémoires de la Yougoslavie socialiste. Un des films les plus connus du cinéma ex-yougoslave est consacré à cet épisode, et des milliers d'étudiants yougoslaves visitaient les lieux chaque année, comme un monument historique. Quelle a été la signification de cette bataille ?

 

G.S : Outre l'aspect militaire et stratégique, effectivement extraordinaire, la moralité célèbre le grand héroïsme de ces hommes. La bataille de la Sutjeska a été appelée "la bataille des blessés" et cela avait une grande valeur morale qu'il était juste de transmettre aux générations futures. Tito se porta au secours de 4.000 blessés ou malades du typhus. Il aurait été facile de les abandonner dans les villages et de libérer les troupes combattantes pour les faire avancer plus rapidement. Mais un des aspects positifs de la guerre des partisans était précisément qu'on ne laissait jamais un blessé, un malade, un camarade en difficulté, et que l'on se portait toujours à son secours. Ils ont réussi à en sauver une partie, alors que ceux qui tombaient aux mains des Allemands étaient massacrés, ce que l'on n'a su qu'après. Voilà pourquoi on parlait beaucoup de cet épisode dans les écoles, et les jeunes se rendaient dans cette vallée pour visiter les lieux de la bataille.

 

O.B : Comment la mémoire de la Résistance titiste a-t-elle évolué en Croatie ces dernières années, après la proclamation d'indépendance ?

 

G.S : Aujourd'hui, il est bien difficile pour les jeunes générations de savoir ce qu'a été la Résistance. En Croatie, de soi-disant patriotes croates ont abattu, détruit plus de 3.000 monuments et plaques mortuaires dédiées à la Résistance - je ne sais pas si cela s'est aussi produit dans les autres républiques. 50.000 rues ont changé de nom, de pratiquement toutes les rues on a enlevé le nom des héros de la Résistance et on les a remplacés par le nom des nationalistes les plus féroces. Cela dit, je peux dire que la situation a changé par rapport à il y a dix ans, quand on voyait des rassemblements de ces soi-disant héros de la guerre patriotique [1] auxquels participaient de 100 à 150.000 personnes, avec croix gammées, fanions noirs et salut à la romaine de rigueur. Les gens étaient terrorisés. Le climat a changé depuis, essentiellement grâce aux quatre années du gouvernement Račan, après la mort de Tudjman, entre 2000 et 2004, et du travail des successeurs de Tudjman, en particulier Sanader, qui ont nettoyé le HDZ des éléments les plus nationalistes et créé un parti plus européen, démocrate-chrétien, plus respectable en quelque sorte, dans le but d'intégrer un jour l'Union européenne.

 

Il y a aussi un phénomène visible de tous : ici en Croatie, mais aussi en Bosnie, en Serbie et surtout en Slovénie, se sont créés des dizaines d'associations dédiées à la mémoire de Josip Broz Tito. Dans la seule ville de Rijeka, aucune association ne peut se vanter d'avoir autant de membres : 3.500. Chaque 25 mai, l'anniversaire de Tito, des milliers de personnes affluent à Kumrovec, sa ville natale, et elles viennent aussi bien de Slovénie que de Serbie ou de Bosnie. Il y a un réveil de ce que l'on appelle la "Tito nostalgia". Pas seulement parce qu'aujourd'hui, il faut payer le médecin, les médicaments, il faut tout payer, même les livres scolaires alors qu'autrefois tout cela était gratuit : il y avait une véritable politique sociale, les jeunes qui allaient à l'université recevaient une bourse d'étude. Aujourd'hui, qui peut envoyer ses enfants à l'université ? Seuls les enfants des milieux aisés ont accès à l'université. Les gens veulent de nouveau se frotter à cette histoire qui depuis plus de quinze ans ne leur a pas été racontée. Et ils se la font étudier ou raconter par leurs parents et leurs grands-parents.

 

O.B : Aujourd'hui, comment peut-on commémorer la guerre des années 1990 ?

 

G.S : Ici à Rijeka, quand je collaborais à des associations italiennes qui portaient secours à des réfugiés et déplacés, j'ai connu une jeune femme serbe qui avait survécu à l'opération Oluja (Tempête). Elle m'a raconté la chose suivante : "Je suis vivante parce qu'un soldat croate, originaire d'Istrie, m'a sauvé la vie, en renvoyant les autres membres de son détachement. Il leur a dit qu'il voulait passer quelques instants avec moi, et les autres ont cru qu'il voulait me violer et après un ricanement ils sont partis." Le soldat l'a cachée avec un vêtement, il l'a rhabillée et il a donné un coup de téléphone à Rijeka où la femme avait une tante, il l'a aidée à rejoindre la ville, d'abord l'hôpital où ils l'ont soignée, puis à la maison.

 

Eh bien, je dédierais un monument à ces soldats. J'ai recueilli beaucoup de récits de ce genre. Il y eut par exemple une brigade originaire d'Istrie, qui devait ratisser un bois pour voir s'il ne restait pas quelques Serbes isolés, toujours en Krajina. A midi, le ravitaillement arriva et les soldats sont allés manger à la cantine. En bons Istriens, Italiens ou Croates, ils se sont mis à chanter des chants populaires italiens, dans le dialecte parlé dans ces régions, comme "La mula de Parenso" et bien d'autres encore.

 

Au beau milieu de la chanson, une vingtaine de soldats serbes sont sortis de leur trou, les mains levées pour se rendre. Ils les ont pris et leur ont demandé : "Mais pourquoi vous êtes vous vous êtes rendus ?", les autres ont répondu : "Nous avons entendu une langue différente du croate et nous avons pensé que c'étaient les forces de l'ONU." D'après un soldat qui me l'a raconté mais dont j'ai oublié le nom, quand ils ont fait la liste à leurs supérieurs, ce furent les seuls Serbes qui n'ont pas été exterminés, parce qu'ils n'ont pas été faits prisonniers. Les autres brigades les tuaient même lorsqu'ils se rendaient. Voyez-vous je dédierais un monument à ce groupe de soldats istriens qui ont sauvé la vie de ces vingt personnes. Ce furent pour moi les héros de cette guerre.

 

***

 

[1] Celle de 1991-1995, ndlr

 

Propos recueillis par Andrea Rossini pour l'Osservatorio sui Balcani.

Traduit par Vincent Doumayrou.

 

Source [document pdf]

 

Ajoutons par souci d'équité  la réaction de M. Smiljan Simac, ambassadeur de Croatie en France (de 1995 à 1999). 

 

 

 

 III

"Globus" : George Tenet (CIA) rencontra le général croate et coordonna l'Opération Tempête en Krajina"

 

 

L'Amérique sauve Gotovina. C'est le titre d'un reportage de l'hebdomadaire croate Globus sur l'ex-général Ante Gotovina, le "héros" capturé le 7 décembre dernier à Tenerife  après 1613 jours de cavale dorée, enfermé à présent dans la prison de Scheveningen du Tribunal de La Haye. Globus se base sur un document du Déparmement d'Etat, "The Road to Dayton", où on livre la version des USA de la guerre 1991-1995 dans les Balkans sur base des informations de Peter Galbraith, ambassadeur de l'époque à Zagreb, des agences CIA, NSA et DIA (Defense Intelligence Agency), le service militaire d'espionnage.

 

Bien que les USA se soient initialement opposés à l'Opération Tempête qui mena en août 1995 à l'expulsion des Serbes de la Krajina, avec le massacre de milliers de Serbes, et la succession de tueries des civils restés, ce furent justement les services militaires de renseignements américains qui donnèrent un coup de main à cette opération. C'est ainsi qu'aujourd'hui, le gouvernement de Zagreb, qui finance les avocats défenseurs (dont l'un est américain) mise justement sur le document USA - qui a été déclassifié, et ce n'est pas un hasard, depuis le 21 novembre, 18 jours avant l'arrêt de Gotovina - pour sauver le "héros" d'une lourde condamnation.

 

Le gouvernement de Washington connaissait-il le refuge de l'ex-général ? Savait-il aussi qu'il serait bientôt arrêté ? Du même document on déduit que les USA ne donnèrent jamais officiellement le feu vert à l'Opération Tempête, mais en même temps on y assouplit la responsabilité du défunt Tudjman et de ses généraux quant aux crimes dans les territoires "libérés", en affirmant que, de toute façon, par cette opération la fin de la guerre en Bosnie fut accélérée et "l'équilibre des forces" entre Serbes, Musulmans et Croates" fut instauré, selon les plans américains. De plus, on dévoile que les USA connaissaient la décision de la Croatie d'engager aussi ses forces en Bosnie contre les Serbes, qui furent en effet chassés - comme les Musulmans - par les milices de Tudjman de l'enclave de Bihac, des régions côtoyant la Dalmatie, Livno, Kupres, Duvno et de l'Herzégovine toute entière.

 

Sur l'opération Tempête en Krajina, l'opposition américaine ne fut que verbale. Le 25 juillet 1995, répondant à une démarche diplomatique de Galbraith, le gouvernement de Tudjman promit que l'action militaire croate ne s'étendrait pas à la Krajina. En même temps, les services d'espionnage USA donnèrent l'information que les Serbes de la Krajina opposeraient une vaillante résistance. Cette évaluation s'avérera fausse. Les USA savaient que "la Croatie, pendant tout ce temps, avait violé l'embargo sur l'importation d'armes" ; et pourtant non seulement ils ne levèrent pas le petit doigt pour empêcher l'arrivée d'armes de contrebande de l'Italie, de l'Autriche et de la Hongrie, mais ils en envoyèrent eux-mêmes. En effet, dans le document cité on recommande tout de suite après aux fonctionnaires américains de "ne pas enquêter, de ne rien raconter autour d'eux".

 

Mais juste après l'intervention croate en Bosnie-Herzégovine, Tudjman se retourna contre les Serbes de la Krajina, qui devait être "son trophée le plus ambitionné". Au moment même où il mettait en scène de fausses négociations avec les leaders serbes de la Krajina pour une solution pacifique et après avoir refusé un plan de paix proposé par Yasusi Akashi, représentant de l'Onu pour les Balkans, Tudjman ordonna à ses milices d'envahir la Krajina le 4 août. Elles tombèrent sur de longues colonnes de civils en fuite, en proie à la panique. Ce même 4 août, le Département d'Etat, par l'intermédiaire de Galbraith - ignorant que la CIA l'avait coordonnée ? - invita pour l'énième fois Tudjman à arrêter l'opération qui, au contraire, continua de manière sanglante. Dans le document USA il est question du drapeau croate long de 25 mètres hissé sur la forteresse turco vénitienne de Knin : "Pour la première fois en quatre ans de guerre balkanique, les Serbes ont été les victimes d'une grande offensive militaire... Malgré les invitations des Américains à ne pas la déchaîner, l'offensive victorieuse des Croates a dramatiquement changé la situation en Bosnie".

 

Mais du reportage de Globus, qui parle aussi du rôle d'une agence militaire américaine "Mpri" en code, on apprend que c'étaient justement des officiers USA qui aidèrent l'armée croate ; et que des bases aériennes croates sur l'île de Brazza et Sepurine en Dalmatie furent utilisées par des avions américains sans pilote ; avant le début de la "Tempête" les généraux Gotovina et Kresimer Cosic furent reçus à Fort Irwine, un centre de commandement pour les entraînements aux Etats-Unis ; quelques jours avant l'invasion de la Krajina, Gotovina accompagna les attachés militaires de l'ambassade USA passant en revue les troupes croates ordonnées pour l'attaque sur le mont Dinara.

 

Et Globus dévoile que ce fut précisément sur la base de Sepurine, aux alentours de Zara, que le vice-directeur de la CIA, Tenet, rencontra le ministre de la défense Gojko Susak, le chef des services secrets Miroslav Tudjman, fils du "Suprême" croate et Ante Gotovina. Quelques jours après la rencontre de Sepurine, commencèrent à atterrir sur cette base les Hercules américains avec à leur bord du matériel d'espionnage, quelques avions Predator pilotés à distance et une équipe de "conseillers militaires". A Tenet revint, entre autre, la tache de vérifier que la base était en condition de permettre à la CIA de suivre l'Opération Tempête en temps réel et de photographier d'en haut les phases de l'opération, achevée au bout de huit jours, mais suivie pendant de longs mois de sanglants épisodes de représailles qui menèrent au massacre d'un millier de civils serbes et à la destruction de plusieurs dizaines de milliers de leurs maisons après pillage. Aujourd'hui, les avocats de Gotovina, qui ordonna peut-être ces massacres, sont décidés à traîner sur le banc des témoins Tenet lui-même et les autres vieux patrons américains, complices indirects de ces massacres.

 

***

 

Traduit de l'italien par karl&rosa

 

Source : mondialisation.ca

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Ecrivains

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