Lordan Zafranović

Publié le 29 Septembre 2013

Lordan Zafranović     (Maslinica, île de Šolta, 1944)

 

 

Après des études de littérature et d'histoire de l'art à l'université de Split, il part à Prague où il retrouve à la FAMU Grlić, Marković, Karanović et Paskaljević qui vont former quelques années plus tard l'ossature d'un nouveau cinéma yougoslave. Zafranović tourne de nombreux films d'amateur puis des courts métrages : les Gens de passage (Ljudi u prolazu, 1967), Un après-midi, le fusil (Poslije podne - puška, 1968). Il signe son premier long-métrage en 1969 : le Dimanche (Nedelja). Après la fin de ses études en Tchécoslovaquie, il signe successivement Chronique d'un crime (Kronika jednog zločina, 1973), les Supplices selon Mate (Muke po Mati, 1973), l'Occupation en 26 images (Okupacija u 26 slika, 1978), la Chute de l'Italie (Pad Italije, 1981), la Morsure de l'ange (Ujed andela, 1984), les Cloches du soir (Vecernja zvona, 1986). Les Cloches du soir, son œuvre la plus réputée, évoque le destin de trois jeunes gens du même âge, un Croate, un Italien et un juif qui, après avoir été des amis inséparables, se retrouvent politiquement et moralement en opposition à la mise en place du régime fasciste à Dubrovnik pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

 

 

 

Ils nous ont occupé sans avoir tiré une seule balle

 

Le metteur en scène croate  Lordan Zafranović a déclaré dans un entretien que les Balkans ont été occupés par les multinationales dont le but était de désintégrer la Yougoslavie, et que dans ce climat délétère et la pauvreté généralisée au sortir des conflits armés “la situation du silence” a régné parmi les intellectuels, la majorité ayant préféré se rallier aux pouvoirs par souci de leur propre confort et conditions d'existence.

 

Zafranović, qui a présenté cette semaine au Salon du livre de Belgrade le livre du chirurgien de guerre Edo Jaganjac “La princesse de Sarajevo”, dont il entend faire un film, a déclaré au journal belgradois Večernje novosti que tous les Balkans, à quelques exceptions près, ont toujours été une colonie, sauf entre 1945 et la fin des années 80, puis ont été occupés sans une seule balle tirée par la pénétration du capitalisme libéral.

Les multinationales occidentales, dont le but politique était probablement de démanteler la Yougoslavie, ont occupé absolument tout, que ce soit les banques ou le commerce. Elles ont détruit le potentiel industriel qui pouvait leur faire concurrence. C'est ainsi que tous les Balkans sont aujourd'hui en proie à une nouvelle occupation, sans qu'une seule balle fût tirée. Cela ne vaut pas seulement pour les Balkans mais aussi pour la Tchéquie où j'habite, et probablement la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie...”, a déclaré Zafranović.

D'après lui, il n'existe à cela aucune réponse sociale et politique articulée, ni même venant des intellectuels et des artistes, parce que “dans la pauvreté et après une guerre destructrice qui a duré longtemps, les intellectuels sont restés désemparés”. La plupart ont rallié les pouvoirs des nouveaux états formés.

Ils se sont rapprochés des pouvoirs par souci de leur propres conditions d'existence, c'est ainsi que s'est installée la 'situation du silence'. La Croatie, elle, connaît une sorte de tradition du silence. Les intellectuels croates se taisent en général ou se manifestent de-ci de-là, mais uniquement sur une ligne nationale”, opine Zafranović.

Le créateur du film loué et controversé “L'Occupation en 26 images” a révélé dans l'entretien “avoir eu des problèmes des deux côtés” après 1984 en travaillant avec des historiens de la recherche pour un film sur Jasenovac. Il dit s'être heurté à Franjo Tuđman.

Il (Tuđman) n'a jamais vu mon film mais l'a jugé comme une falsification, parce que j'aurais soi-disant placé en fin de film que Jasenovac avait compté un million de victimes. Je n'ai pas cité de chiffre parce que je n'ai pas pu y accéder, quant à lui je l'ai traité d'amateur politique car j'estimais qu'un politicien sérieux doit voir le film et ensuite seulement se prononcer à son sujet”, a déclaré Zafranović. Il a expliqué que plus tard, au début des années 90, Tuđman l'a inséré dans son propre livre de quatre ou cinq pages en tant que traître éminent du peuple croate pour avoir tenu de tels propos”.

La partie serbe s'est également plainte du film sur Jasenovac, dit-il, et il prétend qu'il a été mis en quarantaine.

Zafranović a jugé inévitable que dans les Balkans s'instaure “un espace culturel et politique parce que la langue nous relie fortement”.

 

 

Source : balkanikum.vefblog.net, le 17 mai 2015.

Article paru à l'origine sur stvarnost.hr

 

 

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Cinéma

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