Zvonimir Jurić

Publié le 17 Mai 2010

Zvonimir Jurić

 

 

I. Biographie



Zvonimir Jurić est né en 1971 à Osijek. Il a étudié la mise en scène pour le cinéma et la télévision à l’école supérieure des beaux arts de Zagreb. Après son diplôme, en 1999, il réalise plusieurs films documentaires et un long métrage de fiction d’après son propre scénario, suivi de diverses séries pour la télévision et d’une production collective. Zvonimir Jurić vit et travaille à Zagreb.



II. Filmografie

 

 

Longs métrages de fiction :
 

  • 2009 Crnci (The Blacks - en collaboration avec Goran Dević)

La guerre. Une ville assiégée. La trêve a été signée et la brigade connue sous le nom de ‘Les Noirs’, responsable du sale boulot, doit être congédiée. Ivo, le chef du peloton, prépare une action pour récupérer les corps de trois soldats tués. Sur le champ de bataille, l’ennemi se trouve là où on l’attend le moins: en les hommes-mêmes.

  • 2009 Zagrebačke priče, omnibus
  • 2003 Onaj koji ce ostati neprimijećen
  • 2004 Sex, Piće i Krvoproliće


Films documentaires :
 

  • 2000 Crnci su izdražali, a ja?
  • 1999 Juric: Tvrđa 1999.
  • 1996 Nebo ispod Osijeka


Courts-métrages :
 

  • 2009. Žuti mjesec (Croissant de lune)

 

 

 

The Reaper : des émotions en descrescendo


 

Le nouveau film de Zvonimir Jurić a été projeté en avant-première internationale à Toronto, dans la section Cinéma contemporain du monde

The Reaper, le nouveau film du Croate Zvonimir Jurić, a été présenté en avant-première internationale dans la section Cinéma contemporain du monde du Festival de Toronto, fort des Arènes d'or de la meilleure photographie (Branko Linta), du meilleur acteur (Ivo Gregurević) et du meilleur acteur dans un second rôle (Igor Kovač) obtenus au Festival du film croate de Pula au mois de juillet – des prix qui réflètent assez fidèlement les points forts du film.

Jurić, connu en tant que co-réalisateur de The Blacks, aborde de nouveau le thème de la Guerre de Croatie, mais cette fois, l'intrigue s'organise autour de ses conséquences sur les individus et les communautés, à travers trois sous-récits connectés entre eux. 

Le personnage principal est Ivo (Gregurević), un sexagénaire qui vit et travaille dans un complexe agricole dans une petite ville. Dans la scène d'ouverture, une femme (Mirjana Karanović) tombe en panne d'essence aux abords de la ville et Ivo, qui travaille sur son tracteur non loin, propose de l'amener à la station-essence la plus proche. Là, elle apprend de l'employé de la station, Josip (Kovač), que vingt ans plus tôt, Ivo est allé en prison pour viol. Bien qu'elle soit choquée, elle va devoir décider si elle peut lui faire confiance ou non. 

Plus tard, Josip va dans un bar où son frère fête les six mois de grossesse de sa petite amie. Un ami essaie de lui arranger un coup avec une fille de Zagreb, mais Josip réagit violemment et fait une scène. C'est qu'il est préoccupé par ce qui est arrivé à Ivo et à la femme –  et par le fait qu'il a appelé la police dès qu'il les a vus. 

Krešo (Nikola Ristanovski), un des policiers qui répond à l'appel de Josip, est le coeur du troisième sous-récit. Son problème est sa situation familiale – sa femme, au chômage, passe le plus clair de son temps à s'occuper de leur bébé malade. Hélas, toute tragique qu'elle soit, cette partie du film fait retomber les émotions soulevées jusque là, laissant le spectateur déconcerté, bien qu'il soit clair que l'objectif de Jurić n'est pas de le combler. 

Le réalisateur se penche avant tout sur les conséquences du passé, du stigmate d'Ivo aux marques indélébiles laissées par les horreurs de la guerre sur cette communauté. Grâce à l'interprétation subtilement intense de Gregurević, Ivo donne l'impression d'être un brave homme, mais quelque chose de dangereux émane de lui, pour le spectateur comme pour les autres personnages du film.

L'ambiance brumeuse, presque iréelle, tient pour beaucoup au fait que l'action se passe en une seule nuit, mais Linta manie divinement ces images nocturnes, qui rappellent le beau travail qu'il avait fait sur The Blacks. On pense en particulier aux plans où les quatre phares du tracteur d'Ivo trouent l'obscurité (des plans qui renvoient à un motif de film d'horreur) et aux intérieurs de ces quartiers ternes, notamment à la maison de Krešo, avec ses meubles défraîchis et ses tapis maculés de taches vieilles de plusieurs dizaines d'années. 

The Reaper est une coproduction entre Kinorama (Croatie) et Forum Ljubljana (Slovénie).

 

 

Source : cineuropa.org, le 22 septembre 2014.

 

 

 

 

 

 


III. Interviews

 

A propos de "The Blacks"

 

avec Zvonimir Jurić et Goran Dević


“Nous voulions faire un film qui hante le spectateur”


Cineuropa : D'où est venue l'idée de The Blacks ? Quand avez-vous décidé de rattacher le film à l'affaire dite "du garage" ?

Zvonimir Jurić : L'idée d'évoquer les crimes croates n'est pas venue consciemment : quand j'écris, je suis complètement absorbé par la dramaturgie et je n'ai qu'à espérer que mon esprit anti-nationaliste apparaîtra. Je n'évalue pas les sujets en termes de difficulté potentielle ; je ne peux tout simplement pas travailler sur quelque chose qui m'est complètement indifférent. Je ne pense pas que le regroupement des gens par le biais du concept de nationalité soit une bonne chose et j'espère qu'à l'avenir, les nations en tant que telles disparaîtront.

Je n'ai personnellement pas été touché par les faits (les meurtres commis dans ce garage) et n'ai pas cherché à être fidèle à cette histoire. Je voulais l'aborder de manière complexe. Dans le film, nous n'expliquons pas pourquoi ou comment ces choses ont pu se passer. Nous voulions faire un film qui hante le spectateur, or c'est possible si on ne fournit pas trop d'explications. Nous avons opté pour le principe d'Alien [de Ridley Scott] : moins on le voit, plus un monstre est fort et plus il fait peur.

Goran Dević : Franchement, je ne me souviens pas de la manière dont l'histoire du garage est entrée dans le scénario. Si on prend mes autres films, on peut supposer que l'histoire est venue avec moi, mais à ce jour je ne peux ni le confirmer, ni le nier.

Comment avez-vous travaillé à deux réalisateurs ? Qu'a apporté chacun d'entre vous à l'autre ?

Zvonimir Jurić : Des problèmes, des souffrances, de la satisfaction, du bonheur, du soutien, des doutes, des surprises.

Goran Dević : Zvonimir a constitué pour moi une sorte de filet de sauvetage où je pouvais me laisser tomber sans risque, ce qui n'est pas le cas quand on fait un film tout seul.

Cela fait quinze ans qu'on fait des films sur la guerre de Croatie et de Bosnie, mais il a fallu attendre The Blacks et Ordinary People pour voir des réalisateurs évoquer les crimes de leur propre peuple. Est-ce le fait d'une certaine auto-censure parmi les réalisateurs croates, n'est-il pas vrai qu'ils ne critiquent jamais l'État ni l'Église ?

Zvonimir Jurić : Aucun film de ce genre n'avait encore été réalisé parce que la perception dominante parmi les Croates, c'est qu'ils ont été des victimes de la guerre. L'Église et le très saint nouvel État sont les fondations incontestées de cette "croatie-tude" et cela se reflète sans doute dans le cinéma. Ou peut-être est-ce le cinéma qui contribue à former cette opinion.

Goran Dević : On a tendance à oublier le documentaire. Cela fait longtemps qu'on fait des documentaires sur la question. Je pense que la fiction est, quelque part, plus lâche parce qu'elle a besoin d'argent. Automatiquement, l'auto-censure est plus forte.

La caméra tenue à distance dans The Blacks va parfaitement bien avec le contexte étouffant. Qu'est-ce qui vous a amenés à choisir cette approche ?

Zvonimir Jurić : Nous voulions faire un film pesant, un film qui vous met un coup de marteau sur le crâne, comme Alien. La meilleure manière de s'y prendre, c'est d'avoir peu d'acteurs, de les enfermer dans un espace et de ne pas trop couper, mais plutôt de garder les silences et le vide qu'on élimine généralement au montage. Ces derniers deviennent alors un élément important de l'atmosphère. Je pense qu'il était essentiel que nous jouions avec l'espace qui est en dehors de la caméra, que nous refusions de tout montrer au spectateur mais le traînions vers la scène pour qu'il soit confronté aux personnages.

Goran Dević : Je pense que la décision de ne pas modifier l'espace dans lequel nous avons tourné était essentielle. Il est tout simplement plus facile de construire une atmosphère dans un lieu réel que de le transformer de force en ce qu'il n'est pas. Dans ce genre de cas, je me fie à mon intuition. Dans cet espace, je me sentais comme quand j'étais à l'armée : il convenait donc parfaitement. Pour ce qui est des cadrages, pour nous la distance de la caméra servait bien le film. Cela s'est avéré pertinent idéologiquement, car on ment moins ainsi. Si on ne s'y prend pas bien, cela peut être anti-productif parce que cela donne au spectateur l'impression qu'il y a quelqu'un d'autre, quelqu'un qui manipule tout – en somme, un mauvais réalisateur.

par Vladan Petković

Le 20 octobre 2009

 

 

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Cinéma

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