La chronique des émigrés russes en Croatie

Publié le 21 Janvier 2013

Ljetopis

 

 

 

La vie des premiers émigrés russes en Croaties, arrivés ici après la guerre, n’avait rien d'un rêve. A différentes époques, des situations politiques diverses dans le pays, comme par exemple la période couvrant le règne de Josip Broz Tito, ont pesé sur nos concitoyens. Notre interlocutrice d’aujourd’hui, Katarina Todorcev Hlača, évoque nos concitoyens (russes) ainsi que la revue « Annales » ("Ljetopis") pour « Okno V Rossiju ».

 

Katarina Todorcev Hlača, la rédactrice en chef de la Revues « Annales », présidente de l’association Le Cercle culturel russe, vit à Zagreb depuis 1990.

 

 

Votre revue s’appelle « Annales ». Qu'entendiez-vous en choisissant ce titre ?

 

Notre revue a commencé à paraître en 2011. Dès le premier numéro je me suis adressée aux lecteurs en tant que rédactrice en chef avec un article dans lequel j’expliquais le sens de ce titre. Cela vient de ce que  nous avions choisi de publier une chronique des émigrés russes remontant aux tout débuts jusqu’à aujourd’hui. La première arrivée massive de Russes en Croatie s’est produite après la Première Guerre mondiale, compte tenu que seuls deux pays européens avaient accepté l’émigration russe en grand nombre. Il s’agit de la Yougoslavie et de la France. Il s’est néanmoins avéré que ce sont surtout des gens pauvres qui sont venus en Yougoslavie. Nombre d’entre eux, lorsqu’ils débarquaient par bateau depuis Yalta et Odessa, ne possédaient que ce qu’ils avaient sur le dos ce jour-là. Ils n’avaient aucuns bagages. Le roi de Yougoslavie, Alexandre, les accepta. Par la suite une partie d’entre eux se sont retrouvés en Croatie. Dans presque chaque numéro de la revue, nous publions une interview menée avec l’un des descendants des premiers émigrés russes. Chacun d’entre eux raconte l’histoire de sa famille.

 

 

Sans doute les descendants de ces premiers émigrants se distinguent-ils par leur mentalité et leur mode de vie de ceux qui sont arrivés en Croatie durant les deux dernières décennies ?

 

Oui nous pouvons effectivement dire qu’ils vivent plus renfermés. On peut véritablement compter sur les doigts ceux qui sont liés avec notre diaspora. Le fait est que l’émigration russe dans les pays de l’ex-Yougoslavie est assez complexe. Pendant longtemps beaucoup de gens ne se vantèrent pas d’être Russe ou demi-Russe ou quart de Russe ; souvent dans les documents ils étaient enregistrés comme Croate ou Serbe. Après la Seconde Guerre mondiale les Russes sont également venus en nombre, ce fut la seconde vague de l’émigration. C’est ainsi que les représentants des première et deuxième vagues ont vécu assez retirés, ils communiquaient peu entre eux, de manière générale ils essayaient d’attirer le moins possible l’attention sur eux. Peut-être vous rappelez-vous que Staline s’était brouillé avec Tito en 1948, pour les Russes d’ici c’était loin d’être le paradis. Mais tout évolue. Ces vingt dernières années des immigrants venus de l’ancienne URSS ont commencé à arriver en Croatie. Ils sont plus actifs, ils rejoignent diverses associations. Nos « Annales » sont devenues un chaînon qui relie toutes les personnes parlant le russe dans ce pays. Les descendants des émigrés de la première et seconde vague sont eux aussi devenus nos lecteurs actifs. Ils suivent avec curiosité l’histoire des Russes dans ce pays ainsi que les nouvelles quotidiennes sur la vie de leurs concitoyens récemment installés ici. Pour beaucoup cela représente le seul lien avec la Russie, où malheureusement ils n’ont plus de parents. C’est un grand plaisir pour nous que de recevoir des lettres de remerciement de nos lecteurs ou que d’être appelés par téléphone lorsqu’ils nous disent leur gratitude ou leur intérêt pour la revue.

 

 

Quelles sont les faits notoires ou inédits que vous avez pu mettre à jour et publier dans vos « Annales » ?

 

Nous avons tous été inspirés par le fait que Tatjana Puškadija-Ribkin, une descendante des premiers émigrés, a travaillé pendant de nombreuses années au sein des archives croates. C’est véritablement en grappillant un élément après l’autre qu’elle a rassemblé des matériaux relatifs aux premiers Russes dans ce pays. Ensuite elle a publié le livre « Les émigrés russes dans la vie culturelle et scientifique de Zagreb ». Grâce à cela nous savons que jadis, dans les années vingt, il existait ici des communautés russes, des écoles russes, qu’une revue était publiée certes en croate mais éditée par l’émigration russe. Tout de suite nous nous sommes dit : « Bigre, mais tout ce que nous savons, nous le savons grâce au fait que quelqu’un a autrefois tout consigné. Et si nous ne consignons pas tout ce qui se passe aujourd’hui, alors plus personne n’en saura rien !» Comme on dit parmi les journalistes : « Ce qui n’est pas enregistré, c’est comme si cela n’avait pas eu lieu ! ».

 

 

Permettez donc que nous détaillions un peu mieux les« Annales ».

 

Notre éditeur est le Cercle culturel russe, l’un des projets porté par l’association des concitoyens russes. Il existe en Croatie un programme de l’Etat pour le soutien des minorités nationales, qui se déploie en de multiples directions. Il faut pourtant dire que la publication de notre revue a été rendue possible en grande partie grâce à l’ancien ambassadeur de Russie en Croatie, Mikhail  Konarovskiy, qui travaille désormais en  Chine. Ce personnage a tout fait pour que commence à paraître notre revue.

 

 

Quels thèmes élaborez-vous ?

 

La revue n’est pas seulement un tableau de la vie des Russes en Croatie mais aussi une contribution et un éclairage sur les relations culturelles, scientifiques et économiques entre la Russie et la Croatie. Elle relate les séjours des délégations russes en Croatie ainsi que la collaboration des institutions culturelles croates, des entreprises et des autorités municipales et gouvernementales avec la Fédération de Russie.

 

 

Qui sont vos lecteurs ?

 

Ce sont nos concitoyens qui vivent dans ce pays mais aussi les Croates qui s’intéressent à la culture russe. Cela dit, tous nos lecteurs ne connaissent pas bien le russe, aussi certains d’entre eux perfectionnent-ils leur russe en lisant notre revue. De même certains articles sont traduits en croate. De plus, la revue est lue avec grand intérêt parmi les organisations russes en Slovénie, Serbie, au Monténégro, en Allemagne, en Hongrie, en Ukraine occidentale et en Slovaquie.

 

 

Qui sont ceux qui aujourd’hui rédigent la chronique des Russes en Croatie ?

 

Tous nos collaborateurs sont de grands professionnels. Nos assistants sont des professeurs de russe à la Faculté de philosophie de Zagreb. Jelena Zarečnaja, l’une de nos collaboratrices, est une journaliste professionnelle, elle a travaillé ici à la télévision, et en Russie elle a également été journaliste à la télévision. Moi aussi je suis une journaliste professionnelle, j’ai terminé la faculté à l’Université d’Odessa, qui porte le nom de Metchnikov, un célèbre bactériologiste russe. En outre, chez nous, dans la famille le journalisme a toujours tenu une place importante – mon époux a travaillé pendant quarante ans comme rédacteur du journal croate Večernji list. Il collabore avec nous et les personnes qui s’occupent d’activité sociale. Les responsables des associations russes, par exemple, nous transmettent régulièrement leurs nouveautés. Et pour finir, il existe déjà en Croatie une quinzaine de communautés russophones diverses, nous disposons donc d’un cercle de collaborateurs suffisamment étendu.

 

 

Y-a-t’il longtemps que vous vivez en Croatie ?

 

Je suis ici depuis 22 ans déjà. Cependant la consolidation russe est relativement récente. Cela s’explique par le fait que la minorité nationale russe n’a été reconnue officiellement qu’en 2003. C’est alors que le parlement nous a insérés dans la liste des minorités nationales, nous avons reçu certains droits garantis par la loi. Tandis que jusqu’alors nous étions une sorte de groupe ethnique dispersé, sans disposer de ces droits inhérents aux minorités nationales. C’est ainsi que les associations russes ont commencé à être fondées les unes après les autres depuis 2003. Tout cela nous essayons aussi de le relater dans nos « Annales ». Et si nous ne le faisons pas, qui donc le fera ?

 

 

Quelle est la fréquence de parution de votre revue ?

 

Actuellement cinq fois par an, c’est-à-dire une fois tous les deux mois en tenant compte qu’en été, en juillet et aôut, nous faisons une pause estivale.

 

 

Et quel est votre tirage ?

 

Le tirage est en général de 700 exemplaires mais il nous arrive d’atteindre le millier, cela dépend bien entendu des moyens financiers. Le chiffre n’est pas mauvais, sachant que d’après les informations dispensées par le Conseil pour les minorités nationales aujourd’hui vivent en Croatie 3000 concitoyens russes.

 

 

Vous venez de lancer un projet destiné aux enfants.

 

Oui c’est exact. Depuis 2011 paraît dans la revue un supplément pour les enfants : Kolobok. Il y est question des événements concernant la jeune génération ; des histoires pour enfants, des dessins sont publiés ainsi que d’intéressants matériaux que les professeurs utilisent durant les leçons de russe. La revue est utilisée avec succès dans les écoles russes qui sont implantées à Čakovec, Zagreb, Split, Rijeka et Pula. Au contact de notre revue les enfants russes ou bilingues prennent l’habitude de lire en russe, ils s’habituent à lire la parole écrite, ce dont il est grand besoin dans le monde contemporain.

 

 

 

Source : balkanikum.vefblog.net, le 21 janvier 2013.

Article paru à l'origine sur ruskivjesnik.com, le 20 janvier 2013.

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Russie-Croatie

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