Une brève histoire de la ville de Rijeka (7)

Publié le 20 Novembre 2009

XIX. La lutte pour la ville


 

Revenu de Russie, Riccardo Zanella fit sa réapparition à Rijeka à la fin du mois de novembre 1918. Il fut accueilli par l'avocat Salvatore Bellasich et d'autres personnes dont le docteur Grossich, l'apôtre de l'Italie, comme le dénommera plus tard D'Annunzio. Grossich était à ce moment-là le président du Conseil national qui avait été constitué le 29 octobre. L'accolade qu'il tendit à Zanella renfermait une reconnaissance pour 25 années de lutte.

 

Cette rencontre nous offre l'occasion pour s'attarder quelque peu sur Grossich, lequel était alors un des personnages intéressants à Rijeka. Il était né à Draguc en Istrie le 7 juin 1849. Son père s'appelait Giovanmatteo et sa mère Andjela Frankovic. Il avait fréquenté l'école à Koper et à Pazin et plus tard avait étudié à Graz et à Vienne, où il obtint son diplôme de médecine en 1879. Après s'être spécialisé en chirurgie, il revint à Rijeka où il devint médecin en chef de l'hôpital. Il épousa Edviga, la fille de Michele Maylender. Comme tous les gens de vaste culture, il ne s'était pas contenté de son domaine professionnel mais avait pris part aux événements culturels de la ville. Il fut l'un des fondateurs du Cercle littéraire, par ailleurs membre du Club des alpinistes de Rijeka et l'un des principaux membres de la Société philharmonique et dramatique, dont il fut le président de 1912 à 1918. C'est en qualité de membre du Parti autonomiste de Maylender qu'il était entré pour la première fois au Conseil municipal en 1898.

 

Le principal legs que Grossich nous a laissé consiste en une découverte dans le champ de la médecine. En 1909, lors du Congrès international de médecine à Budapest, il avait présenté au public la méthode selon laquelle la stérilisation à l'iode au cours d'une opération empêche l'apparition de la gangrène et c'est ainsi qu'il aura sauvé de nombreuses vies avant que n'apparaissent les antibiotiques. Cette découverte fut publiée en 1911 à Berlin sous le titre Meine Preparationsmethode des Operationsfelde mittels Jodinktur. Sa méthode fut employée pour la première fois à grande échelle lors de la guerre de Libye. Dès 1913, on le récompensa pour sa contribution à la médecine.

 

Il passa le plus gros de la guerre à Vienne et revint à Rijeka en 1918 pour y être élu président du Conseil national italien le 29 octobre.

 

Ce 29 octobre est important pour la ville car c'est alors que Rijeka devint partie intégrante du tout nouvel Etat des Slovènes, Croates et Serbes. Dans l'après-midi, le dernier gouverneur en la personne de Jakelfalússy confia le palais aux nouvelles autorités.

 

Le juriste Rikard Lenac assuma ensuite la fonction du gouverneur, ou plus exactement celle de veliki zupan (haut préfet), tandis que Konstantin Rojcevic prit la direction de la police. Lenac, qui en son temps avait été le plus jeune docteur en droit de toute la Monarchie, accueillit le 29 octobre au Palais du gouverneur une ambassade pro-italienne conduite par le Dr Grossich et le maire Vio, également connu par le sobriquet de Plameni (Flammes) en raison de sa chevelure rousse. La réunion avait pour but que soient évités les conflits d'intérêts entre Rijeka et les Croates. Le Dr Lenac leur déclara catégoriquement que les Croates tenaient la ville et que lui-même allait rapidement remplacer l'administration municipale qui ne reflétait pas la volonté du peuple. L'une et l'autre partie campèrent fermement sur leurs positions.

 

Dès le 30 octobre, l'avocat Bellasich fit lecture sur la Place de Dante (l'actuelle Place de la République croate) de la Proclamation relative à l'incorporation de Rijeka à l'Italie. L'arrivée de l'escadre italienne le 4 novembre 1918, avec à sa tête le navire Emanuele Filiberto sous le commandement du contre-amiral Rainer, devait servir à marquer un pas en direction de l'unification. 

 

Aussitôt après avoir foulé le sol, le contre-amiral demanda que l'on enlève du Clocher municipal le drapeau croate et que l'on y hisse celui de l'Italie. C'est avec ce changement qu'allait débuter la guerre pour la ville qui devait durer plus de cinq ans. Trois parties prirent part à ce conflit :

  • Le Conseil national italien avec Grossich, Bellasich, Riccardo Gigante et Attilio Depoli ;
  • les autonomistes menés par Zanella, qui bénéficiait du soutien des citoyens croates, lui-même se rendant compte que l'incorporation de Rijeka à l'Italie marquerait sa fin en tant que ville importante ;
  • le Comité national au sein duquel Lenac occupait la place centrale et qui disposait de l'appui des Croates de Susak et de ses alentours.

 

Le premier suspense dans la ville se prolongea jusqu'au 17 novembre 1918, lorsque l'amiral Rainer fit débarquer une unité d'infanterie maritime et lui ordonna de marcher en direction du Palais du gouverneur, en même temps qu'il y dépêchait le général Di San Marzano en automobile. Tout se déroula dans les premières heures de la matinée. La garde croate se retira dans le bâtiment, plus précisément dans le salon faisant face au cabinet de travail du gouverneur, tandis que les soldats italiens grimpèrent sur le toit. Aux environs de 17 heures le grand drapeau italien y fut suspendu.

 

Le général Di San Marzano fit alors son entrée dans le salon rouge et informa le Dr Lenac qu'il prenait le pouvoir. Après ce transfert, le chaos s'installa dans la ville car la frontière sur la Rjecina avait été barrée alors que celle à l'ouest avait été ouverte à tous ceux qui voulaient entrer. Un vaste pillage devait s'ensuivre étant donné que Rijeka venait de traverser la Première Guerre mondiale comme si elle n'avait pas eu lieu et que d'énormes quantités de marchandises reposaient dans les entrepôts.

 

La Conférence de paix à Paris débuta le 20 janvier 1919. Le président américian W. Wilson, le plus impliqué dans le démantèlement de l'Autriche-Hongrie, insista sur le droit à l'autodétermination des peuples. S'agissant de Rijeka, il s'opposa ouvertement à la délégation italienne qui en abandonna la conférence le 26 avril. Andrea Ossoinack arriva à Paris le 5 juin 1919 pour essayer de persuader le président américain de changer de point de vue, mais là encore il ne s'agira que d'une vaine tentative.

 

La situation dans la ville se détériorait au fur et à mesure que la solution finale sur la question de Rijeka traînait en longueur. Au moment de célébrer la signature du traité de paix avec l'Allemagne, le 29 juin 1919, des affrontements se produisirent entre d'une part les unités françaises stationnées dans la ville, en majeure partie composées de Vietnamiens, et de l'autre les légionnaires de Rijeka. Quatorze Vietnamiens furent tués à proximité du port sur la Rjecina  et un plus grand nombre blessés.

 

En réaction à un tel événement sanglant allait être prise une série de mesures par la Commission de contrôle interalliée à Paris :

  • la dissolution du Conseil national et de la Légion des volontaires de Rijeka ;
  • la réduction du nombre de soldats italiens dans la ville ;
  • le remplacement des soldats français ayant pris part aux combats ;
  • la formation d'une commission internationale composée de représentants des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne chargée de surveiller les événements dans la ville ;
  • l'attribution du maintien de la paix à la police anglaise ou américaine.

 

Durant tout le mois de juin de l'année 1919, Grossich et Giovanni Host-Venturi, un natif de Kastav qui chez lui ne parlait que le croate mais qui deviendra plus tard un des plus éminents fascistes de l'Italie, tentèrent par tous les moyens de se jouer des décisions du Conseil interallié et de dénicher la personne qui pourrait sauver la ville. Plusieurs noms étaient en lice. Seront contactés l'amiral Cagni, le général Peppino Garibaldi, le colonel des alpinistes Ugo Pizzarelli. Mais en définitive n'allait subsister que Gabriele D'Annunzio qui avait flairé le coup pour donner la mesure de son exhibitionnisme.


D'Annunzio est l'un des personnages les plus pittoresque à avoir fait son apparition dans la ville de St Vid. Il était né à Pescara en 1863, était entré à l'institut Cicognini à Prato, tout près de Florence, pour y rester pendant sept ans. A seize ans, il avait publié son recueil de poèmes Primo vere. Il avait passé l'automne 1881 à Rome, en y menant pour la première fois la vie à laquelle il aspirait avec d'un côté l'université, la littérature classique et la création et de l'autre une certaine décadence blasée. D'Annunzio assuma la rédaction du journal La Tribuna et celle de la revue Cronaca Bizantina, il imagina des romans et des tragédies et connu une vie amoureuse tumultueuse avec la princesse Maria Gravina Cruyllas ou encore avec la célèbre actrice Eleonora Duse.

 

Sa carrière politique débuta en 1897, en tant que réprésentant d'Ortona. On le retrouve au début du siècle dans une luxueuse villa à Settignano près de Florence où il écrivit plusieurs oeuvres dont Francesca da Rimini. De 1910 à 1914, il vécut à Paris et revint en Italie quand la Première Guerre mondiale éclata. Il expérimenta l'abattoir des tranchées comme une sorte de jeu et on mentionne les vols en avion au-dessus de Vienne et de Zagreb ainsi que l'épisode connu comme étant La moquerie de Bakar, lorsqu'il s'était introduit dans le golfe.

 

Un peu avant la campagne de Rijeka, D'Annunzio s'était formellement retiré de l'armée et il avait séjourné à la Maison rouge sur le Canal Grande à Venise. C'est dans la petite localité de Ronchi qu'il se concerta avec Grossich et Host-Venturi le 11 septembre 1919. Il y avait rassemblé des volontaires et planifié la prise de Rijeka. Juste avant son départ, il s'était manifesté à Mussolini par un télégramme dans lequel il était écrit que les dés sont jetés. Embarqués dans vingt camions, les volontaires suivirent leur chef qui conduisait une voiture de sport aux couleurs rouges, la Fiat 501.

 

Attendu par Host-Venturi à la tête de trois détachements de volontaires, D'Annunzio fit son entrée à Rijeka en dépit des forces importantes du général Pittaluga qui tenaient la ville. Cette dernière l'accueillit dans une ivresse euphorique. N'auront pas manqués les drapeaux, les fleurs, les chants, les cris irrédentistes et d'inlassables fanfares. D'Annunzio ne fut pas avare de promesses - selon lui Rijeka devait s'attendre à un brillant avenir après sa sainte entrée.

 

Dès le premier jour le Commandante, ainsi que l'appelaient les volontaires, avait prévu pour la città olocausta son annexion à l'Italie. Pas plus tard que le 19 juin, Zanella et D'Annunzio se rencontrèrent au Palais du gouverneur.

 

Zanella lui accorda son soutien partiel pour autant que son action soit conforme aux intérêts supérieurs de la patrie. Le poète s'emporta contre Zanella et lui déclara imprudemment que l'entreprise de Rijeka n'était que le début d'un plus vaste mouvement national militaire qui visait à l'occupation de Rome, à la dissolution du Parlement italien, au renversement du roi Victor-Emmanuel III et à l'introduction d'une dictature militaire.

 

Zanella prit toutes ces paroles très au sérieux et partit pour Rome où il raconta tout au Président du conseil Francesco Nitti. C'est grâce à Zanella que le premier putsch militaire a pu être évité. Ensuite, celui-ci revint à Rijeka et il se querella une fois encore avec le Commandante pour ensuite quitter la ville pendant quelque temps, préoccupé par sa propre sécurité. 

 

 

XX. L'Etat de Rijeka

 

C'est sur une initiative de Zanella que le général Bardoglio proposa en novembre 1919 un référendum dans le but de savoir si D'Annunzio devait rester à Rijeka ou au contraire se retirer au profit des forces régulières de l'armée italienne. Le Commandante y consentit mais après avoir compris qu'une majorité de voix se prononçait pour son départ il empêcha le décompte des bulletins. Le 16 novembre, il organisa à son tour des élections pour le Parlement italien et la ville eut pour représentant le capitaine Luigi Rizzo. Il s'agit du soldat qui le 10 juin 1918, à bord d'une vedette lance torpille MAS, avait coulé le navire de guerre austro-hongrois Szént Istvan, tout près de l'île de Premuda. Toutefois, la véritable raison pour laquelle les votes s'étaient portés sur Rizzo provient du fait qu'il siégeait déjà au Parlement en tant que représentant de Messine.

 

 

 

 

En ce qui concerne les relations entre Zanella et D'Annunzio, on peut signaler que le 20 janvier 1920 ce dernier avait organisé dans l'église St. Vid un office religieux au cours duquel le père Reginaldo Remuldi avait béni le poignard devant servir à assassiner Zanella. L'ayant appris, le Vatican avait immédiatement éloigné le prêtre de la ville.

 

Soumis aux pressions internationales, D'Annunzio procéda une fois encore à un acte important lorsque le 8 septembre 1920 il proclama l'Etat de Rijeka :

... Fidèle interprète pénétré par la libre décision qui fut exprimée par l'acclamation de la majorité du peuple souverain de Rijeka convoqué au Parlement, de cet endroit, d'où le 12 septembre 1919 j'ai proclamé la libération de cette ville et où à plusieurs reprises fut répété le serment éternel du peuple envers la mère patrie

- moi Gabriele D'Annunzio, premier légionnaire de la Légion Ronchi, je proclame la Régence Italienne du Carnaro. Et je fais voeu sur ce saint étendard de la jeunesse, sur ces emblèmes du sang héroïque et sur mon âme que je continuerai à me battre de toutes mes forces et armes tant que cette terre d'Italie se sera pas pour toujours reconnue à l'Italie...


Par cet acte le Commandante empêchait, ou plutôt différait, que d'autres parties intéressées par le destin de Rijeka ne s'immiscent et il parvenait ainsi à gagner du temps. La création de ce petit Etat déconcerta toutefois une partie des milieux annexionnistes et certain parmi eux se prirent même à douter des véritables intentions de son auteur.

 

Le Gouvernement de D'Annunzio était composé de sept recteurs (ministres) : D'Annunzio assuma en personne les Affaires étrangères, Host-Venturi la Défense, M. Panteleoni les Finances, Iccilio Baccich les Affaires intérieures et la Justice, Lionello Lenaz l'Enseignement, L. Bescocca l'Economie et Clemente Marassi les Travaux.

 

L'article 1 de cette constitution révélait assez clairement les plans à venir du Commandante :

Le peuple souverain de Rijeka, par sa souveraineté intangible et inviolable, considère son Corpus separatum avec tous ses chemins de fer et l'entièreté de son port comme centre de son Etat libre.

S'il est néanmoins décidé à conserver la liaison de son territoire avec la mère patrie du côté occidental il ne renonce pas à une plus juste et plus sûre frontière vers l'est (!) que les prochains relais politiques doivent établir, et en conformité aux accords avec les communes rurales et littorales.


Toute la Constitution est caractérisée par un étrange sabir de droit et de poésie, et par endroit il y est davantage question d'un manifeste que de la loi fondamentale d'un Etat. Cela étant, elle traduit également des tentatives originales en vue d'articuler le premier des nouveaux états du 20ème siècle. Même Mussolini lui soutira quelques solutions, notamment celles liées à la tentative de supprimer les classes et de créer des corporations ou encore celle d'installer le corporatisme au lieu du parlementarisme classique.

 

Il découle de l'article 3 que le pouvoir est populaire et on peut y discerner ce qui tout au cours du siècle allait déterminer le destin de l'Europe et même du monde. A savoir un antagonisme apparent mais un parallélisme de fait qui existe entre les systèmes totalitaires communiste et fasciste. Le premier Etat dans lequel fut déposée la semence du totalitarisme pour se déployer sous les traits d'une plante monstrueuse est la Régence italienne du Carnaro. Rijeka est bien la ville qui en avait reçu des fleurs infimes quoique attrayantes. Le fait qu'il s'agissait d'une plante singulièrement vorace en hémoglobine n'allait pas tarder à se révéler.

 

Selon la Constitution, la population se divisait en dix corporations : 1- les ouvriers salariés, 2- les ouvriers de l'industrie, 3- les employés, 4- les employeurs dans l'industrie, l'agriculture et les transports, 5- les employés publics, 6 et 7- la fleur intellectuelle du peuple, 8- les délégués des sociétés de production et de distribution, 9- les marins et 10- tous ceux qui s'occupent des forces mystérieuses du peuple, en particulier les poètes.

 

Chaque corporation était censée prendre soin de ses membres et de leurs intérêts et devait posséder des symboles particuliers, des rites internes et un propre culte. D'Annunzio par sa Constitution avait esquissé le fascisme, ses discours au Palais du gouverneur étaient à vrai dire les pleurs d'un nouveau-né difforme...

 

Le prochain développement important concernant la question de Rijeka fut le traité signé le 12 novembre 1920 à Rapallo, à proximité de Gênes, entre d'un côté la délégation du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes et de l'autre celle du Royaume d'Italie. Le traité fut rendu public le 27 juillet 1921. En 1923, il sera officiellement divulgué par le ministère des Affaires étrangères du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.

 

Il sera publié en caractère latin pour la langue italienne et en cyrillique pour la langue serbe. C'est assez indicatif dans la mesure où il s'agissait d'un territoire croate et que l'on assistait à une grande victoire de la politique serbe et italienne tout autant qu'à une catastrophe croate. Les signataires pour le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes étaient Milenko Vesnic, le Premier ministre, Ante Trumbic, le ministre des Affaires étrangères, et Kosta Stojanovic, le ministre des Finances. Quant au Royaume d'Italie, il s'agissait de Giovanni Giolitti, président du Conseil, du comte Carlo Sforza, ministre des Affaires étrangères et d'Ivanoe Bonomi, ministre de la Guerre.

 

L'Italie reçut Zadar avec ses alentours conformément à l'article 2 du traité. Par ailleurs, elle obtint les îles de Cres, Losinj, Lastovo et Palagruza en vertu de l'article 3. S'agissant de Rijeka, c'est l'article 4 [document PDF] qui était crucial :

Le Royaume d'Italie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes reconnaissent la liberté et l'indépendance pleines et entières de l'Etat de Fiume et s'engagent à les respecter à perpétuité.

L'Etat de Fiume comprend :

a) Le "Corpus Separatum", qui est actuellement compris dans les limites de la ville et du district de Fiume ;

b) Une étendue de territoire ex-istrien délimitée comme suit :

- Au nord : par une ligne à déterminer sur le terrain qui, partant d'un point situé immédiatement au sud de la localité de Castua, rejoint sur la route de San Mattia à Fiume, la limite du Corpus Separatum, laissant les localités de Serdoci et de Hosti au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et laissant à l'Etat de Fiume la route carrossable tout entière qui, passant au nord de la ligne de chemin de fer, par Mattuglie et le croisement des routes de la cote 377, à l'ouest de Castua, conduit à Rupa ;

- A l'ouest : par une ligne qui descend de Mattuglie à la mer pour rejoindre Preluca, laissant la gare et la localité de Mattuglie en territoire italien. 

 

Le traité était devenu une réalité malgré toutes les protestations de D'Annunzio. Dès le 18 octobre eut lieu une rencontre entre le Commandante et le général Caviglia qui était le commandant des troupes régulières italiennes stationnées autour de Rijeka. Celui-ci lui suggéra de quitter la ville mais l'entêtement de D'Annunzio conduisit au Noël sanglant de la même année, lorsque les troupes régulières fortes de 20.000 hommes l'attaquèrent alors qu'il ne pouvait compter que sur 6.000 volontaires. Le Commandante avait fait sauter les ponts sur la Rjecina à la veille des combats. L'attaque s'ensuivit le 25 décembre 1920 à 17h00. Au cours de cette guerre d'opérette, 27 volontaires auront péri dont aucun n'était de Rijeka tandis que le navire de guerre Andrea Doria avait fait mouche dans le salon blanc du Palais du gouverneur en y blessant légèrement D'Annunzio. Les combats durèrent jusqu'au 27 décembre. Le Commandante avait attendu l'aide de Mussolini et de Francesco Giunta qui dirigeait alors les fascistes à Trieste avec 3.000 hommes à sa disposition. Cependant, les secours vinrent à manquer et il se décida à demander le cessez-le-feu après avoir consulté Riccardo Gigante, Host-Venturi et Grossich. Depuis lors Rijeka pouvait devenir à ses yeux la ville de l'amour usé. Les combats prirent officiellement fin par le pacte d'Opatija du 28 décembre qui fut signé par le général Ferrari d'un côté et par Host-Venturi et Gigante de l'autre.

 

Le premier janvier on élit le docteur Grossich président du gouvernement provisoire. Les autres membres du gouvernement étaient censés être élus ultérieurement. D'Annunzio quitta la ville le 18 janvier. De nouveaux problèmes surgirent à l'occasion des élections du 24 avril 1921, par lesquelles il était prévu de compléter l'Assemblée constituante de l'Etat de Rijeka.

 

Parmi les 12.702 électeurs, il y en eut 10.004 qui prirent part au vote. Malgré que Mussolini eût prononcé un discours, 2.337 électeurs votèrent pour Grossich et son Bloc national contre 6.557 pour Zanella et ses autonomistes. N'ayant pu empêcher la victoire de Zanella et de son programme Rijeka aux habitants de Rijeka, Francesco Giunta est ses hommes envahirent le Palais municipal le 27 avril et ils choisirent comme président Riccardo Gigante. Salvatore Bellasich assuma le pouvoir en tant que commissaire spécial étant donné que Zanella avit refusé de collaborer avec eux. Toutefois, grâce à l'entremise du général Luigi Amante, la Constituante allait être formée le 5 octobre 1921, avec une majorité pour Zanella.

 

Devenu président, Zanella se retrouva face à des difficultés insurmontables. La ville était infestée par toute une racaille, la vie économique avait périclité et le commerce semblait avoir presque complètement disparu. Quant au port, il était vide. Tous les efforts qu'il entreprit afin de redresser la situation se révélèrent infructueux.

 

Dès le 3 mars 1922 se produisit tôt dans la matinée un assaut des fascistes contre le Palais du gouverneur où se trouvait Zanella entouré des plus fidèles. Ils offrirent une résistance jusque 12h30, après quoi ils se rendirent. Parmi les rangs de Zanella, trois policiers avaient péri, Finderle, Marususic et Legovic, tandis que plusieurs autres avaient été blessés. 

 

Zanella et la partie de la Constituante qui étaient avec lui partirent pour Kraljevica alors que le reste de l'assemblée de Rijeka procéda à l'élection d'un gouvernement ayant à sa tête le professeur Attilio Depoli. Ce gouvernement se maintiendra jusqu'au 18 septembre 1923. Mussolini qui était arrivé au pouvoir en 1922 l'éliminera lui-même et nommera Gaetano Giardino au poste de gouverneur militaire de Rijeka.

 

Tout cet imbroglio avec Rijeka de même que le contentieux autour du port de Susak allaient être résolu par le traité de Rome signé le 27 janvier 1924.

Article 1. Le Gouvernement italien reconnaît la souveraineté pleine et entière du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes sur le port de Baross et sur Delta qui seront évacués et livrés aux autorités compétentes du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes dans un délai de deux jours à dater de la ratification de ce traité.

Article 2. Le Gouvernement du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes reconnaît la pleine et entière souveraineté du Royaume d'Italie sur la ville et le port de Rijeka ainsi que sur le territoire qui est assigné par le tracé frontalier indiqué dans l'article suivant...


Delta et le port de Baross furent confiés au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes le 24 février 1924, ce même jour où Gabriele D'Annunzio avait été nommé "Prince du Mont Nevoso". Par la suite, il s'en alla au Lac de Garde où il emménagea dans la villa du célèbre historien de l'art d'origine allemande Henry Thode (L'anneau des Frankopan). Il reçut diverses marques de reconnaissance, entre autre celle de général d'honneur de l'aviation en 1926. A partir de 1937, il allait être président de l'Académie royale italienne. Ce brillant orateur et génie pathétique dont l'oeuvre complète se trouve renfermée en 50 volumes est pourtant resté dans les mémoires comme étant l'un de ceux qui ont ouvert la boîte de pandore du totalitarisme au 20ème siècle.

 

Antonio Grossich accueillit le roi Victor-Emmanuel III le 16 mars 1924, lorsque celui-ci était venu au Palais du gouverneur pour proclamer officiellement l'unification. Grossich mourra le 1er octobre d'une crise cardiaque.

Qu'advint-il de Riccardo Zanella ?

 

Il vécut à Belgrade à partir de 1924 jusqu'à l'assassinat du roi Alexandre de Yougoslavie à Marseille en 1934, et cela sans jamais avoir cessé de se considérer comme le président légitime du gouvernement en exil de l'Etat de Rijeka. 

 

Ensuite, il gagna Paris pour fonder une société italo-yougoslave. Du côté italien y adhérèrent des politiciens avec lesquels il avait autrefois collaboré et qui avaient fui le fascisme. On comptait parmi eux l'ancien président Nitti, l'ancien ministre des Affaires étrangères Sforza et d'autres. Au début de la Seconde Guerre mondiale, après la défaite de la France en 1940, le gouvernement de Pétain l'arrêta sur demande de Mussolini mais il réussit à éviter l'extradition. Après être passé dans les camps, il se cacha quelque temps dans les zones montagneuses de la France. Dans une certaine mesure, il ressuscita politiquement durant la période 1945-47, lorsque au cours des négociations de paix, il réclama un Etat de Rijeka. L'inextinguible fidélité du dernier grand politicien de Rijeka. 

 

 

XXI. Sušak

 

Sušak est la partie de Rijeka à l'est de la Rječina qui exista entre les deux guerres mondiales en tant que ville indépendante. Au 15ème siècle il est fait mention de la chapelle de St Lovro tandis qu'au pied des marches des escaliers de Trsat reposait une chapelle datant de l'année 1531. Les plus anciennes familles de Sušak étaient les Kozulić venus de Lošinj en 1804, les Sablić qui avaient construit une maison à Pećine en 1851, mais qui avaient auparavant vécu à Martinšćica, les Ružić que l'on présume arrivés du Kotor à la fin du 18ème siècle, les Kovačić et les Zanon de Korčula ainsi que les Spadon de Senigaglia en Italie. En 1820, Sušak comptait 27 maisons et 229 habitants, en 1862 elle dénombrait 613 habitants, en 1901 leur nombre s'était élevé à 4.600 et en 1910 à 13.214. Au niveau juridique, en 1778 Trsat et Sušak firent partie de Bakar, qui à l'époque était la plus grande ville croate. En 1874, Bakar fut divisée en plusieurs municipalités dont celle de Trsat qui comprenait Sušak et Vežica. En 1876, Kostrena et Draga seront adjointes à Trsat et en 1877 la municipalité sera transférée de Trsat à Sušak. Les dirigeants de Sušak furent Marijan Derenčin, Stanko Lukanović et ensuite Hinko Bačić pendant de nombreuses années (1887-1907).

 

Hinko Bačić était né à Rijeka en 1857 et provenait d'une famille renommée de gros négociants et d'armateurs. Son père, passé de Dubrovnik à Rijeka, était propriétaire et copropriétaire de douze voiliers long-courriers sur lesquels étaient transportés du bois et du blé. Ayant hérité de ce confortable héritage, Hinko Bačić élargit plus encore le champ des affaires familiales. A Senj il possédait un moulin et une fabrique de pâtes et à Sušak un grand domaine sans oublier quatre maisons et un ensemble de terrains à Kostrena.

 

Tout au long des 20 années où il conduisit les affaires de Sušak, il y investit son salaire de maire pour les besoins de la commune. Il fut l'instigateur d'une série d'opérations importantes telles que l'aménagement de chemins et de routes, l'installation de canalisations, dont celle des eaux usées, celle de l'éclairage au gaz, le remblayage entre Brajdica et Delta, l'aménagement du port, des écoles, de la station balnéaire et du cimetière. C'est grâce à son énergique intervention que le Lycée croate ne fut pas transféré de Rijeka à Ogulin, comme prévu, mais qu'au contraire fut construit un nouveau bâtiment à Sušak. C'est à Hinko Bačić que l'on doit la création de l'Ecole supérieure pour filles, l'Académie de commerce ainsi que plusieurs écoles primaires dans diverses localités de la commune. Il favorisa l'installation à Sušak du Tribunal du canton et du bureau des contributions.

 

Son initiative la plus brillante reste cependant la construction du gigantesque Hôtel Kontinental qui fut achevé en 1887 à la suite d'un projet de Mate Glavan et que les habitants de Sušak appelaient le Palace Bačić. Il fut l'un des principaux instigateurs de la création de La Banque et caisse d'épargne pour le Primorje tout autant que son président pendant de nombreuses années. Prenant en compte ce qu'il laisse derrière lui, on peut dire qu'il vaut autant pour Sušak que le maire Ciotta pour Rijeka. 

 

Après lui, les maires seront Gjuro Ružić, Andrija Sablić, Franjo Domazetović, Ante Sablić et Andrija Knez. Sušak deviendra officiellement une ville en 1919 et elle sera occupée par l'armée italienne jusqu'au 3 mars 1923. Après les élections de la même année elle aura pour maire Juraj Kučić. Sušak, qui dans l'entre-deux-guerres allait faire figure de ville frontalière vis-à-vis de Rijeka l'italienne, sera marquée par Gjuro Ružić le jeune qui la dirigea de 1929 à 1939.

 

Gjuro Ružić le jeune était le fils de Gjuro l'ancien et de Jelka Badovinac. Son père avait fait fortune dans la fabrication et le négoce du cuir et il avait été maire de Sušak de 1907 à 1909. Sa mère était la fille de Nikola Badovinac, conseiller à la cour et maire de Zagreb. Gjuro Ružić avait fréquenté l'école secondaire à Sušak et à Graz et étudié l'économie à Londres. En tant que maire, il parvint à ce que la commune de Sušak soit la plus importante entreprise de construction dans la ville. Il fit asphalter Sušak, construire un entrepôt des douanes et un nouveau marché, il obtint des crédits avantageux pour la construction de l'Hôpital de la Banovina et fit étendre le réseau de canalisations des eaux de même que reconstruire le stade Orijent.

 

Son jeune frère Viktor, qui était un avocat réputé et le ban de la Savska banovina, l'assista dans une large mesure. Il avait repris la société privée Elektra pour la faire passer sous la commune. En 1929, il fonda l'Union pour la promotion du tourisme de la Haute Adriatique qu'il dirigea durant les 10 années suivantes. C'est grâce à son entremise que la première liaison aérienne Vienne-Klagenfurt-Ljubljana-Sušak fut établie en 1936.

 

Il prôna la construction de l'artère principale longeant l'Adriatique ainsi que celle des axes routiers en direction de Zagreb et de Ljubljana. Son épouse était la peintre remarquée Božena Vilhar. Quant à lui, il représentait la figure centrale parmi la société de la ville faite des citoyens les plus aisés, familièrement appelés les Pećinari étant donné que la majorité possédait des villas sur le rivage de Pećine. Parmi ces familles distinguées, on peut citer celles des Premrou, Fischer, Richtman, Bačić, Pavlović, Šarinić, Vitezić, Mikulićić, Vilhar... Appartenait à ce cercle Milan Turković, un gros propriétaire foncier et détenteur du domaine de Kutjevo, qui vécut à partir de 1930 dans une villa jouxtant l'hôtel Jadran. Il y écrivit une dizaine de livres à thématique historique. Ceux-ci sont d'une facture très désordonnée mais remplis d'informations sur Kutjevo, les Confins militaires et les Cisterciens.  

 

Les locaux de la Maison du commerce situés dans un bâtiment de la Premièrcaisse d'épargne croate faisaient face au Kontinental et servaient de lieu de réunion pour l'élite urbaine. Ici, dans la quiétude du cabinet de lecture et de la bibliothèque, on pouvait discuter de politique internationale et des nouveaux investissements dans la ville. Ensuite, on allait faire du tennis à Pećine ou bien s'égayer dans les hôtels Park, Jadran, Kontinental.

 

Sušak était une bourgade bercée par l'atmosphère douce de la province mais grâce au port et à l'activité maritime il s'y passait toujours quelque chose. Entre les deux guerres mondiales, le port était rapidement devenu l'un des plus importants de l'Etat. En ce qui concerne le trafic, il avait atteint 728.613 tonnes en 1930 et après la chute due à la Grande dépression on assista à un rétablissement avec 740.134 tonnes pour l'année 1937. En même temps, le port de Rijeka, après avoir atteint 4.037.499 tonnes en 1913, connut une chute pour réaliser 650.214 tonnes en 1914, 1.421.643 tonnes en 1930 et 1.318.723 tonnes en 1937.

 

Le bois occupait la place principale pour le port de Sušak qui au fil du temps acquit la primauté en Méditerranée dans ce secteur.

 

Le noyau de la marine yougoslave dans l'entre-deux-guerres dérivait du traité Trumbić-Bertolini conclu en 1920. En vertu de celui-ci, la Yougoslavie avait reçu sur la part de l'ancienne marine austro-hongroise : 600 voiliers, 102 navires à vapeur pour le cabotage totalisant 20.000 tonnes brutes, et 33 navires à vapeur long-courrier comptabilisant 96.000 tonnes brutes enregistrées. Les sociétés maritimes suivantes avaient leur siège à Sušak : Slobodna plovidba Topić (6 navires, 25.822 t.br.), Jadranska plovidba (53 navires, 23.661 t.br.), Prekomorska plovidba (4 navires, 20.141 t.br.), Jugoslavenska plovidba (3 navires, 16.105 t.br.), Atlantska plovidba (3 navires, 13.947 t.br.), Jugoslavenska oceanska plovidba (un navire, 4153 t.br.), Jugoslavenska komercijalna plovidba (un navire, 3.871 t.br.), et Kvarner (un navire, 1.369 t.br.). 

 

Dans l'industrie on peut signaler que la papeterie employait entre 250 et 520 travailleurs et qu'elle couvrait la demande pour l'ensemble du monopole national en tabac tout en exportant quelque 1.000 tonnes de papier cigarette. La seconde fabrique en importance était l'usine UKOD, fondée en 1930, où l'on fabriquait du contre-plaqué et du placage. Plus de cent travailleurs y étaient employés. Il faut également mentionner la fabrique de liqueur Primorka, mais aussi d'autres qui étaient détenues par les frères Wortman, Žiga Wortman, Filip Kern et Milan Bačić, ou encore l'atelier de mécanique maritime Vulkan, l'atelier d'électro-technique Elektra et le petit chantier naval à Martinščica.

 

Selon le recensement de population datant de 1930, le territoire de la municipalité comptait 16.104 habitants et il totalisait 1.778 bâtiments.

 

Aussitôt la situation politique fut-elle stabilisée que des travaux de construction débutèrent en 1925. Cette année-là, on pava les rues avec des dalles de granite, on les asphalta et bétonna (la Promenade de Kačić ). Une des réalisations majeures est celle de la Première caisse d'épargne croate, datant de 1925, selon un projet de l'architecte zagrébois Alexander Freudenreich. L'architecte avait choisi pour la façade des lignes pures qui évoquent la Renaissance florentine et comme décorations il avait opté pour quatre sculptures d'enfant représentant une allégorie de l'investissement, du commerce, de l'artisanat et de l'industrie.

 

Ensuite vint la réalisation de l'Hôtel de ville (Rektorat), en face du Lycée. Trente travaux allaient être présentés pour le concours annoncé en mars 1927. Le projet de loin le plus intéressant était celui de Drago Ibler prévoyant un ensemble de terrasses s'enfonçant vers la mer. Néanmoins, son côté trop radical fit que l'on se décida pour le projet corrigé de l'architecte zagrébois Juraj Denzler. C'est l'ingénieur Zlatko Prikril qui allait en assumer la mise en oeuvre. L'édifice fut construit entre 1928 et 1930.  

 

Le premier bâtiment véritablement moderne fut l'Hôpital de la Banovina. L'architecte Stanko Kliska est celui qui avait remporté le concours. On déposa la première pierre en 1931 et le bâtiment sera achevé le 1er mars 1934. L'hôpital comportait trois étages et mesurait 100 mètres de long. La partie centrale est en retrait et l'espace ainsi dégagé se trouve occupé par deux balcons longs d'une trentaine de mètres. La façade nord égayée par une série de petits cubes tranche sur la netteté de celle située au sud. L'empreinte finale confère l'impression de modération, de fonctionnalité et même de froideur.

 

L'architecte Kliska avait débuté sa carrière chez Viktor Kovačić, un des architectes croates les plus estimés, ayant notamment conçu la Bourse de Zagreb, et au gré des circonstances il s'était spécialisé dans les bâtiments hospitaliers. Après l'hôpital de Sušak, il conçut l'Hôpital Rebro à Zagreb et signa les contrats pour les hôpitaux de Sisak, de Slavonska Požega, de Glina ainsi que l'Institut et la Clinique de la Faculté de médecine à Skopje et pour la Clinique gynécologique à Belgrade.

 

Les débats portant sur la construction de la Maison de la culture croate avaient été soulevés en 1933. Un total de 59 oeuvres avaient été présentées au concours qui aura pour gagnant Josip Pičman. L'architecte en question n'assista pas au début des travaux en 1936 puisqu'il s'était suicidé, et la réalisation fut reprise en main par Alfredo Albini qui modifia sensiblement le concept initial. Pičman avait imaginé une tour en verre translucide qui aurait été la première du genre en Europe. Mais Albini se décida pour revêtir la construction de pierres blanches et de balcons en saillie. Le projet de Pičman était l'un des plus importants et des plus extrêmes dans l'architecture croate. Toutefois, ce complexe trop vaste pour une petite ville, qui aurait ainsi eu à compter avec le plus haut bâtiment du pays, vit sa construction perdurer jusque l'année 1947, et cela sans jamais avoir correspondu à ce qui avait été planifié.

 

Le commerce représentait le ressort principal de la ville. La bourgeoisie se devait de façonner la ville à sa mesure pour un faire un lieu de séjour confortable où chacun dispose de plus de temps qu'il ne lui en faudrait. L'oisiveté qui n'avait guère été érodée par la Grande dépression ne produisit pas une seule personnalité capable de focaliser sur elle l'esprit de l'époque. Au niveau local, on peut tout de même citer le curé de Trsat, Andrija Rački, ou encore le chroniqueur de cette ville frontalière, le journaliste Nikola Polić.

 

Andrija Rački, qui était un prêtre très populaire, a écrit plusieurs livres au cours de sa longue existence (1870-1957) : Iz prošlosti sušacke gimnazije (Sur le passé du lycée de Susak - 1928), Povijest grada Sušaka (Histoire de la ville de Sušak - 1929), Prilozi k povijesti grada Sušak (Contributions à l'histoire de la ville de Sušak - 1947), ainsi qu'une série de textes de moindre importance. Nikola Polić, né en 1890 à Pećine, trouva sa voie dans des feuilletons appelés Sušacke subote (Les samedis de Sušak), qui devinrent des chroniques. Son style scintillant, recelant de citations et d'allusions, est plein de traits d'esprit qui camouflent le cynisme, mais en même temps il étouffe par son foisonnement, son engorgement et son manque de discipline. Chacune de ses phrases est une branche qui donne des fruits copieux que personne ne cueille et qui du coup tombent trop mûrs pour se décomposer au sol.

 

A l'ère des divertissements et des danses avait débuté la démarcation finale. Parmi les Fiumari étaient déjà tracées les frontières blanche (italienne) et rouge (la nôtre). Notre ingénieur à la barbe Tegethoff traîne, sans croquis préalables, un pinceau en tant que sous-expert de cette ligne maléfique. On raconte que ce pinceau, qui a scellé le destin de l'indépendance de Rijeka, sera dévolu au Magistrat de Rijeka où il figurera dignement à côté de la plume d'or de Mussolini comme trophée, legs et réminiscence pure et immaculée d'un pacte conclu avec veine. Et c'est ainsi que se vérifiera la prédiction du prophète de Rijeka, le défunt Scrobogna, qui sur la queue de la comète de l'année 1910 avait lu que le sort de Rijeka serait écrit par une plume en or et scellé par un pinceau malpropre... 

 

La suite

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Rijeka

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