Boris Talijančić

Publié le 16 Février 2011

Boris Talijančić

 


Boris Talijančić est un journaliste free-lance, né à Split.

À un an, il part avec sa famille en Amérique du Sud, où son père, médecin, s'installe pour des raisons professionnelles... C'est là qu'il a découvert la BD. Depuis elle fait partie de sa vie.

Quelques années plus tard la famille rentre à Split, où Boris fait ses études : lycée, études de Droit, académie des Beaux Arts. De retour en Europe, il fait connaissance avec la bande dessinée franco-belge. Après différentes expériences professionnelles, il revient à son plus grand amour : le dessin. Se consacrant à la BD, il publie des illustrations et dessins humoristiques dans les journaux et revues, illustre des livres pour enfants.

En Croatie il a publié des albums et séries historiques comme "Tempora barbarorum": Borna, Equus, Brennus, Drakkar...

Avec Sylvain Runberg, il lance Hammerfall dans la collection Empreinte(s) de Dupuis et prend un grand plaisir à dessiner les vikings les plus réalistes possibles.

 

 

 

Entretien avec Boris Talijančić, auteur de "Borna", une bande dessinée (locale) explorant une thématique historique. Enthousiaste, l'artiste tente de vivre de son travail de dessinateur de BD.

Lors d'un test au moment d'entrer dans la première classe de l'école primaire, le petit Boris Talijančić avait surpris les psychologues et les pédagogues. Alors que les autres enfants dessinaient des maisonnettes avec une seule fenêtre ou s'essayaient à quelques fleurs dans un vase, Boris lui croquait une embuscade dans un défilé... des blancs tués gisant par terre et des bisons morts...

Aujourd'hui Boris Talijančić est un auteur de BD, un illustrateur et un journaliste free-lance, un enthousiaste qui tente en Croatie de vivre de la BD.



Marušić comme professeur

C'est alors qu'il était enfant que Boris Talijančić a pu observer une première planche dessinée chez son voisin Joško Marušić, lequel l'a initié aux arcanes de la création de BDs. Dans son enfance il était obsédé par l'histoire et les personnages tels qu'Alexandre de Macédoine, Hannibal, César, Attila ou encore Gengis Khan. Il lisait tout ce qu'il pouvait trouver sur eux, souhaitant remonter jusqu'à leur époque et voir "comment c'était".

"Cela relevait du défi pour moi que de réussir avec la BD et de percer justement ici, là où il n'y a ni offre ni marché, ni activité éditoriale ni culture de la BD. Lorsque tu dis "bande dessinée", nos gens pensent à Zagor et Chico. Alan Ford représente leur critère absolu, quant aux intellectuels ils en sont restés à Corto Maltese, vieux d'une bonne vingtaine d'années. Lorsqu'on te surprend en train de lire ou de dessiner une BD, on te considère immature et puéril, sans comprendre que la BD est un art reconnu depuis des années dans le monde, où il existe même la profession de critique de BD avec des gens qui vivent de leurs compte-rendus", déclare M. Talijančić.

Chez nous tout se ramène aux illustrations et aux bandes dessinées parues occasionnellement dans les journaux ou dans les fanzines autours desquels se rassemble la jeune graine ambitieuse. Ils réalisent deux ou trois planches, improvisent une exposition dans un café et s'imaginent avoir abouti à quelque chose. Le critère de base de la réussite est de pouvoir vivre de ce dont tu fais profession. Si elle n'est pas publiée, une bande dessinée n'existe pas. Elle ne remplit sa fonction que lorsqu'elle est lue".

"Mon premier album Borna 1 s'est vendu en un seul mois à plus de 2000 exemplaires, ce qui est excellent au regard du marketing ou de la distribution pour ainsi dire inexistants. Chez nous les livres atteignent eux aussi rarement de telles ventes. Je n'étais pas satisfait par l'éditeur "Školske novine" et c'est pourquoi j'ai publié la seconde partie en édition privée ; il n'y a qu'à Zagreb qu'elle est vendue. Peut-être qu'à l'avenir je ne l'éditerai que pour mon bon plaisir."

Le Croate Borna, le héros principal des deux albums publiés à ce jour, a été imaginé par Boris. L'histoire est celle d'une famille au travers de plusieurs générations, en commençant au Ve siècle. Le nom de Borna se transmet de père en fils et chaque génération représente une certaine époque historique. C'est ce qui explique que dans les deux premiers épisodes, alors qu'il est occupé à faire la guerre aux Avare au VIe siècle, Borna entend l'histoire de son grand-père Borna vivant aux Ve siècle et à qui les Huns créent des ennuis... Actuellement Boris travaille au 4ème épisode et il est prévu que Borna arrive aux abords de la mer Adriatique au VIè siècle.



Certains vous reprochent dans la BD de dépeindre l'histoire des Croates, ils jugent cela fort à la mode et rentable de nos jours.

"Il semble que certains milieux n'aient pas apprécié le sous-titre "L'histoire des Croates en bande dessinée". Pour quelles raisons, je l'ignore. C'est le premier éditeur qui a donné le titre, car il prévoyait d'introduire la BD dans les écoles. En fait il s'agit d'une simple BD d'aventure, comme on en trouve tout un tas à l'extérieur, à la différence que le héros dont il est question ici est un Croate. Toute l'histoire a été conçue au début des années 80 et n'a rien à voir avec l'engouement actuel.

Mon intention était de montrer ce qui s'est passé dans ces régions, là où toute l'histoire de la civilisation occidentale est venue s'enchevêtrer. Je souhaitais réaliser ce qui m'a toujours intéressé mais que jusqu'à présent je n'avais pu lire que dans les livres d'histoire ou regarder dans des films. Enfant j'avais toujours souhaité faire un saut à cette époque."



Comment décrire Borna ?

"Borna a été éduqué par des Huns et des Romains, c'est pourquoi il est à moitié barbare et à moitié civilisé. En captivité il a perdu son identité et désormais il la cherche. Lorsqu'il le faut il sait se montrer brutal, à l'image de l'époque dans laquelle il vit."



Une époque barbare

"Le présent ne m'enchante guère à cause du progrès technologique déshumanisé et de la direction dans laquelle le monde s'engouffre. Je n'aime ni la guerre ni la violence, mais tant qu'à être autant qu'elles le soient avec des arcs et des flèches plutôt qu'avec des armes atomiques et des poisons chimiques... ce qui me m'intéresse le plus est justement ce tournant de l'époque, le conflit entre la barbarie et la civilisation, raison pour laquelle le cycle entier s'appelle Tempora Barbarorum.



Les femmes semblent absentes de vos bandes dessinées ?

Il y en a, sauf que je les "tue" tout de suite. Je plaisante, dans les épisodes à venir il y en aura plus, une histoire d'amour va se nouer entre Borna et une Romaine. Cela dit, dans un autre de mes récits "Ivan Angel, chroniques celtes", que j'ai réalisé pour le marché étranger mais dont le projet a été enrayé par la guerre, le thème devient impossible : l'amour entre une fée et un homme. J'aime les histoires des époques féeriques. Ivan Angel a lui-même une part féerique en soi, je l'ai décrit avec les mots de Byron : "C'est un être qui possède toutes les qualités de l'Homme sans en posséder les vices". Toutes les femmes dont je raconte l'histoire pleurent. Mes histoires sont tristes.



Il n'y a pas de femmes mais en revanche il y a des animaux

"J'adore les animaux ; dans les BDs ce que je préfère c'est de dessiner des chevaux. Dans un autre album, L'année des chevaux, j'en ai dénombré 300. J'aime aussi les bêtes sauvages. Pendant des années j'ai dessiné des illustrations pour Le Bulletin de la Chasse, malgré que je n'aime pas la chasse. Tous les jours je regarde les émissions télévisées Animal Planet et Discovery par satellite. Et c'est avec le nom de mon chien Thor que j'ai baptisé le héros d'une bande dessinée dont l'action se déroule dans la France du 13ème siècle."

Lorsqu'il est à la tâche le plus grand plaisir pour Boris Talijančić est de créer des personnage imaginaires et de les diriger. "Sur une bande dessinée je réalise presque le travail complet de l'industrie cinématographique : je suis le producteur, le scénariste, le metteur en scène, le costumier, j'opère le choix des personnages, j'invente leur visage... Dans une bande dessinée il n'y a que la musique qui manque. J'en ai besoin lorsque je crée une BD et il me faut toujours écouter de la musique qui par son atmosphère corresponde à ce que je fais."



Combien de temps prend une BD ?

"Les standards européens sont de cinq à six mois pour un album, mais j'ai besoin de beaucoup moins, de deux à trois mois. Je me retire avec mon chien à Igrane et là je travaille dans la tranquillité. A l'extérieur une planche prend deux ou trois jours, mais, quand je suis dans le coup, je suis capable de réaliser quatre ou cinq planches au crayon. Ensuite tu décompresses, et pendant plusieurs jours il n'y a plus rien que tu puisses faire. En France les auteurs peuvent vivre une année grâce aux cachets d'un seul album, ainsi ils peuvent se permettre un travail ralenti. Chez nous cependant tu es forcé de travailler rapidement, c'est pourquoi il m'arrive de ne pas être satisfait par le résultat final."

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Animation, BD et caricaturistes

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