Tomislav Klauški

Publié le 29 Mars 2011

Tomislav Klauški


 

http://lokalniizbori.com/images/sem/tklauski.jpgI. Biographie :

 

Né en 1971, Tomislav Klauški  a achevé des études de journalisme à la Faculté des sciences politiques de Zagreb. Il a travaillé comme journaliste pour Novi list, Nacional et Slobodna Dalmacija et comme rédacteur pour le quotidien financier Poslovni dnevnik. Plume incisive, il écrit également comme chroniqueur pour le site index.hr. Tomislav Klauški enseigne le journalisme à la Faculté des sciences politiques. 

 

 

II. Articles :


 

1. L'heure est venue de mettre le HDZ hors la loi.

 


L'heure a-t-elle sonné de mettre le HDZ hors la loi ? Lui qui s'évertue à l'enfreindre avec tant d'application. L'heure est-elle venue d'annuler ses mandats parlementaires, d'interdire toute propagande du parti, de lui confisquer ses avoirs et de lui ôter le droit de participer aux élections ?

Cela semble radical, mais c'est la première chose à laquelle vous pensez après l'arrestation de Mladen Barišić, une arrestation qui confirme officiellement l'existence du "racket du HDZ". Si les affirmations de Damir Mihanović, Ivan Mravak et Darko Beuk devaient être confirmées, d'après qui Barišić a réclamé des paiements en liquide pour les besoins du parti, et si réellement le parti s'est financé de la sorte, alors il ne peut y avoir de meilleure preuve que le HDZ est une organisation criminelle.

 

 L'arrivée au pouvoir par de l'argent sale


Un parti financé par de l'argent public syphonné au travers de sociétés de marketing pour ses propres besoins : pour son financement, pour le paiement de ses campagnes électorales, pour vanter le parti et qui sait quoi encore... En un mot, pour arriver au pouvoir et pour y rester.

Si tout cela est vrai, alors il convient de réfléchir à la légalité de son exercice du pouvoir. En effet, Mladen Barišić, et par conséquent Ivo Sanader, n'ont pas (seulement) pris cet argent pour eux-mêmes, pour leurs amis et leurs maîtresses, mais aussi pour Jadranka Kosor, Vladimir Šeks, Luka Bebić, Božidar Kalmeta, Andrija Hebrang, Darko Milinović et pour tout le gang qui occupe actuellement le pouvoir.. et qui y est arrivé grâce à cet argent. De l'argent sale.

 

Le même HDZ. Sanader en moins


Il s'agit du même HDZ qu'il y a un an. Sanader en moins. Même Ratko Maček, un des participants à la fameuse réunion où l'ex Premier ministre avait instruit de la façon de soutirer de l'argent pour le parti, se vante d'être aujourd'hui au service de la Premier ministre Jadranka Kosor. On a donc affaire au même parti. Un parti qui dit partout "ne pas avoir eu idée d'où l'argent provenait" (sauf qu''il était là lorsqu'il le fallait"), ne pas avoir su qui a financé les élections présidentielles, locales et parlementaires. "Pour autant que l'on sache, le HDZ les finance", les a-t-on entendu dire si on veut bien se donner la peine de se rappeler.

L'ignorance ne peut servir d'excuse lors d'un accident de la circulation, mais elle l'est pour le pillage de l'Etat. Une logique imparable si l'on a en vue de diriger ce même Etat.

 

 Comment mettre en prison le parti ?


Ce serait bien que Barišić, la petite Jurak et Sanader aient volé cet argent pour se le mettre en poche. On les envoie en prison et tout continue. En revanche comment mettre tout le parti en prison ? Une chose est de constater que le HDZ est "une organisation criminelle", comme l'a répété à plusieurs reprises Željko Jovanović du SDP, une autre est de tirer les conséquences de ce que ce parti a volé de l'argent public pour ses besoins ?

Redisons le, il s'agit du même parti qui est maintenant au pouvoir. Sanader en moins. Il s'agit du parti qui par le racket de Barišić a financé les élections et les a remportées. Si Barišić doit aller en prison pour cette raison, si un jour Sanader doit être arrêté pour cela, que va-t-il advenir du parti pour lequel ils ont fait tout cela ? Sera-t-il mis hors la loi ? Allons nous proclamer l'Obznana [1] ? Ou peut-être même une Loi sur la protection de l'Etat ? Une loi anti-HDZ.

 

 Ce n'est quand même pas pour autrui que le HDZ a volé mais pour lui-même.


Ce parti n'est pas seulement ce que l'on avait cru jusqu'à présent : un incubateur pour carriéristes, une porte d'entrée pour trouver un travail, une protection contre les poursuites judiciaire. Il n'a pas seulement ruiné le pays, ravagé l'économie, contaminé la société, il n'a pas seulement servi à enrichir des particuliers, mais depuis des années il a aussi volé de l'argent aux entreprises publiques, en l'extorquant aux directeurs qui (pour la plupart) ont obéi aux ordres car ils savaient que cela leur garantirait leur maintien dans des fauteuils rémunérateurs.

 

 Si jusqu'ici le HDZ n'a pas changé, pourquoi le ferait-il maintenant ?


Tel est le HDZ. A la différence de toutes les affaires antérieures, celle qui concerne Fimi media offre la preuve que le parti au pouvoir a trempé en tant qu'institution dans la criminalité. On n'est pas en présence de particuliers agissant pour leur poche. Ni d'un groupe alimentant ses comptes bancaires secrets. Cette fois-ci le parti a réclamé sa part du gâteau. Pour Kosorette, pour Hebrang, pour la campagne de Jasen Mesić et pour qui sait encore.

Qui oserait croire que l'arrestation de Mladen Barišić va changer quelque chose ? Ou même l'arrestation de Sanader. Alors que ce parti n'a pas même fondamentalement mué suite à la mort de Tuđman ni à l'éviction de Pašalić, et bien moins encore à l'européisme de Sanader. Il est donc illusoire d'espérer que vont le transformer ceux qui restent, et qui depuis toujours ont été là.

 

 

[1] Le 30 décembre 1920, par un décret spécial (" Obznana ", i.e. proclamation), le gouvernement yougoslave prononça la dissolution de toutes les organisations communistes et syndicales, ferma les bureaux de rédaction du PC, et livra gracieusement aux social-démocrates les clubs communistes.

 

Source : balkanikum.vefblog.net, le 1er octobre 2010.

 


 

2. Fou et fou à lier

 

Dans la nef des fous il n'y a qu'à eux que l'entrée est autorisée. Mais qui l'est assez que pour entrer en ce moment dans le Gouvernement de Jadranka Kosor ?

Cela fait des mois qu'on parle du remaniement ministériel. Cela fait des mois qu'on cite les noms de ceux qui pourraient s'en aller, mais qui n'en finissent pas de rester. On entend parler de solution de sauvetage, mais sans qu'on n'en voie le bout du nez. Tous partent mais personne ne vient.

Lorsque partir est une récompense et non pas une punition

Quoi d'étonnant à cela ? Qui est assez fou aujourd'hui que pour monter à bord du Gouvernement le plus haï dans l'histoire de la Croatie. Même quitter le Palais du ban a commencé à ressembler à une récompense, et y entrer à une punition. Cependant comme les fous ont commencé à manquer au HDZ, Kosor pourrait commencer à chercher ses nouveaux ministres selon la bonne vieille méthode éprouvée quand on doit dénicher des volontaires : "Toi, toi et toi !, en avant !"

Le remaniement pompeusement annoncé du Gouvernement en vient à ressembler à la façon dont les Allemands colmataient leurs rangs en janvier 1945 - par la mobilisation des jeunes. Kosor appelle ça le "rajeunissement". Les autres le désespoir.

Qui peut bien avoir besoin de se compromettre ?

Participer au remaniement d'un tel Gouvernement a des allures de suicide politique. Ceux qui sont jeunes et ambitieux s'y consumeraient, ceux bien établis s'y compromettraient, les plus expérimentés eux s'y déshonoreraient. Qui peut bien vouloir cela à un an des élections régulières, dans une atmosphère où tout le monde crie aux  élections, dans une situation économique atroce, parmi une équipe qui ne laisse pas de place à l'initiative, et dans un contexte qui ne garantit pas le succès mais plutôt l'échec ?

Qui reprendra les finances si Šuker s'en va ? On se demande bien qui s'y retrouverait dans un tel chaos. Qui s'occupera de la santé si Milinović s'en va ? Cela pour y mener une réforme dont il est le seul à déclarer le succès. Qui prendra la place de Kalmeta avec les dizaines d'affaires qui lui tombent sur la tête ? A la rigueur un enquêteur... Qui succéderait à Vukelić dès lors que notre système de défense est en voie de désintégration. La liste est sans fin.

Rien n'y peut

Mais en réalité il est tout à fait égal de savoir qui va partir et qui va venir lorsque rien n'y peut avec un tel gouvernement. Il n'existe pas de ministre qui en l'espace d'un an pourrait améliorer le fonctionnement d'un seul secteur. Encore moins quelqu'un qui puisse y arriver avec une telle Premier ministre, de tels collègues, une telle coalition et un tel parti majoritaire. Et le dernier à y arriver serait quelqu'un animé de telles attentes.

C'est pourquoi tout ceci n'est pas une question de remaniement. C'est une question de sauver Jadranka Kosor : non seulement à la tête du gouvernement jusqu'à l'échéance du mandat, mais aussi à la tête du parti au lendemain de la défaite électorale.

Kosor se renforce elle-même, et non pas le Gouvernement

Kosor ne souhaite pas se débarrasser des mauvais ministres, uniquement des concurrents dans son parti. Elle ne veut pas renforcer le Gouvernement, juste sa position à elle. Elle ne veut pas lutter contre la crise sinon contre la crise dans son parti. C'est pourquoi il n'est de position menacée que pour ceux qui, inconsciemment ou pas, menacent la sienne.

La Fiat 600 dans le décor

Lorsque les idées viennent à manquer, on déplace les meubles. C'est ainsi que Kosor avec son replâtrage annoncé du Gouvernement souhaite améliorer l'image d'elle-même. L'image d'une Premier ministre qui cherche de nouvelles solutions mais qui ne possède qu'un plan préétabli pour les y inscrire. L'image d'une politicienne qui veut le mieux, mais qui ne sait faire que de son mieux. Elle voudrait bien... sauf qu'elle n'a personne pour. Exactement comme avec Sanader.

En définitive cela n'a plus de sens. Il n'y a aucun sens à vouloir remettre des gens neufs sur une digue fêlée qui menace de voler en éclat. Il n'y a pas de sens à vouloir retaper une Fiat 600 dans le décor. Le meilleur remaniement du Gouvernement c'est sa destruction. Après autant d'erreurs, qui a encore besoin de tentatives ?

Source : balkanikum.vefblog.net, le 23 novembre 2010.

 

 

 

3. TPI : le verdict contre Ante Gotovina pourrait faire chavirer la Croatie

 

 

 

Le 15 avril prochain, le TPIY rendra son verdict contre les trois généraux croates Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač. Le mouvement « Stop à la chasse aux combattants croates » appelle déjà à la mobilisation. Le HDZ, au pouvoir mais en chute libre dans les sondages, pourra-t-il canaliser les mouvements de protestation ? En 2005, l’arrestation d’Ante Gotovina avait permis de mettre la Croatie sur les rails de l’intégration européenne, aujourd’hui sa condamnation pourrait se muer en obstacle...

 

Que se passera-t-il si Gotovina est lourdement condamné ? Imaginons la scène : quelques milliers de personnes rassemblées dans le centre ville de Zagreb fixent, muets, les écrans géants qui retransmettent en direct la lecture du verdict prononcé contre les généraux. Disons que Gotovina est condamné à 25 ans de prison pour les crimes commis en août 1995 au cours de l’opération Tempête. Comment va réagir la foule ?

 

l est facile d’imaginer les sifflements et les cris de rage, les ovations réservées aux « héros nationaux » et les insultes proférées contre La Haye... Mais que ce passera-t-il quand cette foule comprendra que leur plus grand héros de guerre est officiellement devenu un criminel ? Au moins jusqu’au verdict définitif, c’est-à-dire le temps que durera le procès en appel du premier jugement.

 

La rage et la frustration de la foule devront trouver un exutoire. Il faudra bien désigner un bouc émissaire. Face à cette fureur, d’aucuns estiment que les manifestations actuelles des contestataires réunis via Facebook ne seront, en comparaison, que des promenades de santé. La condamnation des généraux sera-t-elle le signal de l’instauration de cet état d’urgence que redoute depuis des semaines le Président Josipović ?

 

La révolte spontanée ou organisée des anciens combattants sera inévitable. Jusqu’à présent, l’Alliance démocratique croate (HDZ) a toujours su défendre et canaliser politiquement les manifestations des anciens combattants. Que se passera-t-il cependant pour le HDZ, si Gotovina est condamné ? Est-ce que le Premier ministre Jadranka Kosor s’empressera de faire porter le chapeau de la condamnation à son prédécesseur Ivo Sanader ?

 

Peut-être que la télévision publique croate (HTV) dénichera dans ses archives l’enregistrement d’un entretien entre Ivo Sanader et Carla del Ponte, qui aurait eu lieu en marge d’un Conseil européen, dans lequel on entendrait l’ancien Premier ministre assurer l’ancienne Procureure que les services secrets croates ont réussi à localiser le général en fuite....

 

Le HDZ peut-il survivre au verdict ?


Ivo Sanader n’est plus là, mais il reste le Procureur général Mladen Bajić et surtout Tomislav Karamarko, le ministre de la Police. Il y a aussi Vladimir Šeks qui tente avec acharnement, ces derniers jours, de faire oublier ses propos sur la « localisation, l’arrestation et le transfert » des présumés coupables.

 

Le HDZ a-t-il les moyens de survivre à une condamnation de Gotovina ? Il ne s’agit pas seulement de savoir si le parti pourra gérer la fureur des anciens combattants, une fureur qui, dans le contexte actuel de crise économique, pourrait s’amalgamer à des revendications sociales, mais de savoir également quel impact aura cette fureur dans le corps électoral, alors que les élections s’approchent, et que les sondages créditent déjà le parti d’un score misérable.

 

L’arrestation d’Ante Gotovina, en 2005, avait permis de mettre la Croatie sur les rails de l’intégration européenne. La condamnation du général pourrait se transformer en obstacle à cette même intégration.

 

On peut également se demander si le HDZ pourra canaliser cette révolte et même en prendre la direction. Rappelons que le HDZ contrôle actuellement non seulement l’armée, la police et les services secrets (ce qui n’était pas le cas, il y a dix ans, à l’époque du gouvernement Racan) mais également une bonne partie de la droite croate ainsi que la majorité des associations d’anciens combattants. S’il ne veut pas devenir victime de la révolte, le HDZ devra en prendre la tête.

 

Et tous les coups seront permis : rejeter la responsabilité du verdict sur Ivo Sanader, médiatiser Kalmeta et les autres protecteurs de Gotovina, donner la parole uniquement aux voix de la contestation qui peuvent être contrôlées. Bref, le HDZ essaiera certainement par tous les moyens de s’assurer que personne ne puisse lui planter un couteau dans le dos, et que personne ne fera l’autruche politique le temps que la crise passe.

 

Et si Gotovina était relaxé ?


Se pose également une autre question : que se passera-t-il si Gotovina était relaxé ? Bien sûr, beaucoup s’en réjouiront, notamment la Première ministre Jadranka Kosor qui s’empressera d’accueillir le général au palais du gouvernement - mais certains ne manqueront pas de se demander pourquoi le HDZ a tant fait pour l’arrestation de ce même général. Comment donc le parti a-t-il pu permettre qu’un héros innocent tombe entre les mains des procureurs de La Haye ?

 

Ah, ce paradoxal HDZ qui d’un côté a contribué à l’arrestation de Gotovina, qui a fait décoller les affiches de soutien au général et traqué les protecteurs de ce dernier mais qui, de l’autre côté, a toujours juré de l’innocence de l’inculpé, qui veillait et dissimulait les éventuelles preuves à charge…

 

Ne l’oublions pas, avec l’arrestation de Gotovina, la droite radicale était tombée dans l’oubli. Avec sa relaxe, elle pourrait de nouveau occuper le devant de la scène politique.

 

Il ne fait aucun doute que le HDZ s’attribuera les lauriers d’une éventuelle relaxe de Gotovina. Ce sera sa victoire et son atout majeur pour la prochaine échéance électorale car il lui permettra de faire glisser sous le tapis tous les vrais problèmes de ce pays.

 

Il y a donc bien deux scenarii possibles et, dans les deux cas, un rôle central revient au HDZ.

 

L’annonce du verdict aboutira au plus important règlement de comptes au sein du HDZ puisqu’il s’agira pour le parti d’un règlement de comptes avec lui-même, avec ses électeurs et ses partisans. Pendant des années, le HDZ a gardé la paix avec la droite nationaliste et a canalisé la fureur de celle-ci face à l’arrestation de Gotovina, au moyen d’une corruption sans vergogne. Aussi bien l’affaire Gotovina que la corruption pourraient désormais se retourner contre lui.

 

 

Traduit par Oga Fej

 

Source : balkans.courriers.info, le 29 mars 2011.

Article original paru sur index.hr le 24 mars 2011.

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Journalistes, chroniqueurs et photographes

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