Marchands de Zadar

Publié le 4 Novembre 2009

Deux inventaires de marchands comme indicateurs de la vie économique et culturelle de Zadar au XIVe siècle


 

L'étude de deux inventaires de marchand(e)s zadarois du milieu et de la fin du XIVe siècle, accompagnée de leur transcription, a permis de mettre en lumière plusieurs aspects négligés de la vie économique et culturelle de Zadar au début du XIVe siècle.

 

En effet, l'historiographie croate ne s'est concentrée jusqu'à présent sur l'essor économique de Zadar qu'à partir de 1358, date d'accession des Angevins au pouvoir, sans porter son attention sur la production (pré-)industrielle et commerciale de la commune avant cette période. Or, grâce à l'inventaire de Fumiça Salvagnele, daté de 1346, et à une relecture des sources éditées existantes, il est possible d'ouvrir tout un nouveau pan de recherches. L'exemple le plus éclatant est celui de la production et du commerce de draps de luxe (futaine, soie, avec dorures), ainsi que la confection de vêtements richement apprêtés (avec de nombreuses perles, des fourrures et des gemmes). Jusqu'à présent, l'introduction d'une production industrielle, ou semi-industrielle, de draps, a toujours été placée à Dubrovnik à la fin du XIVe siècle, pour répondre aux besoins de luxe des cours de Bosnie. Or, nous croyons avec suffisamment d'éléments pour déclarer que la production de draps a déjà été initiée à Zadar un demi-siècle auparavant, pour répondre à une clientèle locale très aisée, ainsi qu'à la noblesse croate de l'arrière-pays. Ces éléments sont : l'existence de draperius (fabricants de draps), l'importation de matières premières de qualité (laine d'Orient et coton de la Romanie), l'outillage trouvé dans les inventaires d'hommes - et d'une femme - d'affaires, ainsi que l'abondance des marchandises décrites dans l'inventaire de Fumiça.

 

L'autre volet négligé par l'historiographie croate est celui du commerce des épices - si l'on excepte l'abondante littérature concernant l'exploitation et le commerce du sel dalmate. De nombreux indices pourtant nous laissent à penser qu'il existait dès le XIVe siècle un marché important d'aromates (surtout de poivre, de cannelle, de cumin, de safran et de sucre), qui se poursuit au XVe siècle avec l'importation d'épices d'Alexandrie.

 

Dans le domaine lié à l'histoire sociale, l'exemple de Fumiça Salvagnele est l'occasion d'observer l'activité économique des femmes dans la région dalmate. En dehors des activités traditionnelles, comme la filature de la laine et le service dans les maisons, des femmes s'affirment dans le monde des affaires : la première mercatrix est mentionnée en 1322 sur l'île de Lastovo, Fumiça est la deuxième ; on relève encore des tavernières à Dubrovnik, des femmes qui déclarent leurs marchandises à la douane pour l'exportation, ainsi qu'une femme qui continue le livre de compte de son mari (au XVIe siècle). Ces femmes d'affaires sont pour la plupart des veuves. Elles ont repris l'activité de leur mari, mais elles ont pu tout aussi bien lancer leur propre commerce sur les biens hérités. Leur champ d'action est nettement plus développé que celui des quelques femmes présentes sur le marché local pour la vente de pains ou de fromages.

 

Pour ce qui est de la vie culturelle à Zadar, l'inventaire de Damien Martini de Treschiano est celui - édité - de son collègue le drapier Mihovil de feu Petri montrent que les marchands ont une grande culture livresque, qu'ils maîtrisent plusieurs langues. La présence d'une Bible écrite en caractères glagolitiques, notamment, prouve qu'ils entretenaient avec soin l'héritage linguistique et culturel croate. D'autres publications traitent par ailleurs de l'éclat culturel de Zadar dès le XIVe siècle, grâce aux activités scripturales des monastères bénédictins et franciscains.

 

Par Sabine Florence Fabijanec 

 

Source : hrčak   

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Economie et mouvements sociaux

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