Zvonko Maković
Publié le 7 Novembre 2009
Zvonko Maković
Né en 1947 à Budrovci. Il vit et travaille à Zagreb où il a fait des études de littérature comparée et d'histoire de l'art. Il enseigne et dirige le département d'art moderne à l'Université de Zagreb. Il est poète, critique, essayiste et historien de l'art. Il a organisé de nombreuses expositions d'art. En 2001 il a été commissaire de l'exposition du pavillon croate pour la Biennale de Venise. Il a publié dix livres de poésie, plusieurs essais et des livres d'art. Il a été rédacteur de nombreuses revues de littérature et d'art. Son travail poétique a été récompensé par le prix "A.B. Šimić " en 1968, "Vladimir Nazor" en 1983, et "Goranov vijenac", le prix littéraire le plus prestigieux en Croatie, pour l'ensemble de son oeuvre en 2001. Sa poésie figure dans les anthologies de la poésie contemporaine croate. Il est traduit en anglais, allemand, néerlandais, italien et slovène.
Ouvrages : U žilama će ljepota teći ( Dans les veines coulera la beauté ), Zagreb, 1968 ; Prostor voštanice (L'espace de la bougie), Split, 1969 ; Karta svijeta (Carte du monde), Zagreb, 1971 ; Komete, komete... (Comètes, comètes...), Zagreb 1978 ; Činjenice (Les faits), Split, 1983 ; Strah (La peur), Zagreb, 1985 ; Ime (Le nom), Zagreb, 1987 ; Točka bijega (Le point de fuite), Zagreb, 1990 ; Prah (Poussière), 1992 ; Veliki predjeli, kratke sjene (Larges espaces, courtes ombres), 2000.
Pismo
Malo je nedostajalo pa da prva riječ
koju želim napisati bude
"nekoć"
Takvim pomakom u neodređenu prošlost
mogao bih lako pogriješiti.
Ostati bez pokreta,
oslobođen onog pucketanja trenutaka
koji tijela ispunjavaju toplom strpljivošću.
Bez blaženog smiješka
što dozrijeva polagano.
Koji tlapnju obrće u glatku ljepotu.
Koji se može posrkati u usana,
zatim usisati kao utvaru
što daruje neki drugi ishod.
Kasno je.
Od prozora od vrata samo je
nekoliko koraka.
Kad zastanem,
obuzima me panika,
osjećam kako nadire prazno vrijeme :
s poda,
kroz pukotine zida u uglovima,
kako se počinju rojiti greške
kojih ranije nisam bio svjestan.
Pri pomisli na propušteno,
hvata me drhtavica.
Što osjećam ? Što pružam ?
Što mogu primiti ?
"Pišem svojim tijelom",
rekoh.
Biti bez obzira,
lagano cupkajući osvajati prazninu.
Napokon, zamahnuo sam glavom,
napokon, mogu se prisjećati.
Nisam povikao, nisam uzdahnuo,
nisam rukama mahao.
Sjedio sam.
Tupo zureći nastojao sam dohvatiti preostale
sitnice.
Pisaći stol shvaćao sam kao stroj
za brisanje zaborava,
a fini sloj prašine na njemu
kao otisak vremena.
S jedne fotografije dopire klicanje,
razdraganost uhvaćena u prolazu.
Hoću ukrotiti ono što bi se moglo
nazvati nedokučivim,
zatim to pretopiti u pismo -
očekivano,
primljeno,
zametnuto,
zauvijek izgubljeno.
Što čekaš ? - povikah, čini mi se,
zaprepašteno.
U zgodnom trenutku mogu poskočiti,
tijelo ižmikati kao krpu
i zauvijek biti lišen želje.
Erotizirajuće čestice
što su nas dijelile i spajale
sada su tek talog koji nam
može iskliznuti zauvijek.
Hoćeš li ?
Mogao bih se ponovno uputiti
do prozora,
u granama prepoznati istu onu agresiju
koja je zračila s kože što sam je nekoć
milovao,
kože koje se sada jedva sjećam.
Ne mogu spavati.
Gledati, gledati nijemo,
bez riječi ostati,
bez čuđenja.
Osluškivati zvukove koji ne
predstavljaju savršeno ništa.
Da su barem riječi,
da ih mogu prisvojiti,
usisati u svoje tijelo i onda
spokojno odolijevati nespretnostima.
Dok udaram u tipke,
osjećam besciljno vrludanje
u vršcima prstiju.
Pišem li zaista svojim tijelom ?
Ili je to čežnja što izbija van,
pohotljivo tražeći mjesto na
stranici papira ?
Ili je to jednostavno
Ništa,
Praznina,
Mora.
Odluka izmrvljena u sitna zrnca,
nerastopljeni kristali šećera
zalutali na gornjoj usni.
Dohvatio sam škare za papir
i s ukrasnog drveta počeo izrezivati
vrhove na listovima.
Odjednom sam otkrio beskorisnost
koja je preko listova curila
u tankim mlazovima
postajući samo hrpa praha.
Polizat ću taj prah,
ugurati ga u nosnice,
preobraziti se zatim u nešto što se
njiše i na najslabijem vjetru.
Uputit ću se možda van,
prepustiti se nepoznatim nagonima
tek navlaš upisanim u šarenicu oka
i žmirkati tražeći neku oštru
pukotinu na obzoru.
Ili ću ostati za pisaćim stolom,
s vremena na vrijeme zadrhtati
od iznova otkrivenog zadovoljstva,
pa glasno uzdahnuvši napisati
rečenicu koje sam se ranije klonio -
"Nekoć, kad sam svaku grešku shvaćao
kao poraz,
vjerovao sam kako je voljeti veoma lako".
(Toćka bijega)
Lettre
Il s'en est fallu de peu pour que le premier mot
que je souhaite écrire soit
autrefois.
Un tel écart dans un passé indéfini
pourrait facilement m'induire en erreur.
Rester sans mouvement,
affranchi du crépitement des instants
qui remplissent les corps d'une douce patience.
Sans sourire bienheureux
qui mûrit lentement.
Qui transforme une chimère en beauté lisse.
Qu'on peut siroter du bout des lèvres,
ensuite aspirer comme un fantôme
qui offre une autre issue.
Il est tard.
De la fenêtre jusqu'à la porte il n'y a
que quelques pas.
Lorsque je m'arrête,
un sentiment de panique m'envahit,
je sens que le temps vide remonte
du sol,
à travers les fentes des coins des murs,
que des erreurs se mettent à proliférer
dont je n'étais pas conscient auparavant.
En pensant à tout ce que j'ai raté,
je commence à trembler.
Qu'est-ce que j'éprouve ? Qu'est-ce que j'offre ?
Qu'est-ce que je peux recevoir ?
"J'écris avec mon corps",
ai-je dit.
Etre sans scrupule,
en sautillant doucement conquérir le vide.
Enfin, j'ai bougé la tête,
enfin, je peux me rappeler.
Je n'ai pas crié, je n'ai pas soupiré,
je n'ai pas remué les bras.
J'étais assis.
D'un regard obtus j'essayais d'atteindre ce qui
restait.
La table de travail je la voyais comme une machine
pour effacer l'oubli,
et une fine couche de poussière par-dessus
comme l'empreinte du temps.
D'une photo parviennent des exclamations,
l'allégresse prise en passant.
Je veux dompter ce que l'on pourrait
appeler l'impénétrable,
ensuite le refondre en une lettre -
attendue,
reçue,
égarée,
à jamais perdue.
Qu'attends-tu ? - ai-je crié, il me semble,
étonné.
Au moment propice je peux sursauter,
essorer mon corps comme un torchon
et à jamais être privé de désir.
Les particules érotisantes
qui nous divisaient et unissaient
ne sont maintenant qu'un lie qui peut
nous échapper à jamais.
Voudrais-tu ?
Je pourrais de nouveau me diriger
vers la fenêtre,
reconnaître dans les branches cette même agression
qui rayonnait d'une peau que je caressais
autrefois,
la peau dont je me souviens à peine maintenant.
Je ne peux dormir.
Regarder, regarder muet,
sans mot rester,
sans étonnement.
Prêter l'oreille aux sons qui ne
représentent absolument rien.
Si au moins ils étaient des mots,
si je pouvais me les approprier,
les aspirer dans mon corps et ensuite
résister paisiblement aux maladresses.
Pendant que je tape sur les touches,
je sens le vagabondage sans but
dans les bouts de mes doigts.
Est-ce que j'écris vraiment avec mon corps ?
Ou est-ce le désir qui jaillit dehors,
cherchant voluptueusement un endroit sur
une feuille de papier ?
Ou est-ce tout simplement
un Rien,
un Vide,
un Cauchemar.
Une décision émiettée,
des cristaux de sucre solidifiés,
égarés sur la lèvre supérieure.
J'ai attrapé des ciseaux à papier
et je me suis mis à découper les bouts de feuilles
d'un arbre décoratif.
Soudain j'ai découvert l'inutilité
qui a travers les feuilles s'écoulait
en menus filets
pour devenir un simple tas de poussière.
Je lécherai cette poussière,
l'enfoncerai dans mes narines,
me transformerai ensuite en quelque chose qui se
balancera même avec la brise la plus faible.
J'irai peut-être dehors,
m'abandonner aux pulsions inconnues
tout juste inscrites dans l'iris
et cligner des yeux en cherchant une fente
tranchante à l'horizon.
Ou je resterai à la table de travail,
tremblant de temps en temps
du plaisir redécouvert
et en soupirant à haute voix j'écrirai
la phrase que j'évitais avant
Autrefois, quand chaque erreur je la comprenais
comme une défaite,
je croyais qu'aimer était très facile.
(Le point de fuite)
Source : MARS POETICA - Le Printemps des Poètes - Goranovo proljeće, Le Temps des Cerises, Zagreb - Paris 2003, pp. 68-75. Traduit par Vanda Mikšić & Brankica Radić.
Une version audio de ce poème est disponible sur lyrikline