Vinko Brešan

Publié le 4 Novembre 2009

1. Biographie

 

 

 

 

Né à Zagreb le 3-2-1964, Vinko Brešan est le fils d'Ivo Brešan. Il étudie la philosophie et la littérature comparée puis la mise en scène de cinéma et de télévision. Comment la guerre a commencé sur mon île, son premier long métrage de fiction, se place en Croatie au second rang des succès en salles de ces vingt dernières années. En 2000, il reçoit à Berlin le prix Wolfgang Staudte du Forum International du Jeune Cinéma pour son film Le fantôme de Tito. Il travaille aussi comme metteur en scène de théâtre. 

Long métrages :

  • Comment la guerre a commencé sur mon île (Kako je počeo rat na mom otoku - 1996)
  • Le fantôme de Tito (Maršal - 1999)
  • Les témoins (Svjedoci - 2003)
  • Will not stop there (Nije kraj - 2008) 

 

 

 

 

2. Filmographie

 

Comment la guerre a commencé sur mon île

 

En septembre 1991, alors que la Croatie a proclamé son indépendance, une garnison de l'armée yougoslave d'une île dalmate est assiégée par la population locale. Son commandant, le major Aleksa, menace de faire exploser la caserne et ses alentours en cas d'assaut. Blaž Gajski, historien d'art à Zagreb, s'y rend afin d'en faire sortir son fils, appelé du contingent, mobilisé peu avant dans l'armée, devenue désormais ennemie... Certainement un des premiers films qui, tout en s'inspirant largement de faits réels, traite avec une grande dose d'humour le thème de l'effondrement brutal de la Yougoslavie.

 

 

Le fantôme de Tito

 

D'étranges phénomènes effraient la population d'une petite île de l'Adriatique. Le policier Stipan se rend sur place pour mener l'enquête. D'après la population locale, l'île serait hantée par l'esprit du maréchal Tito, le leader communiste de l'ex-Yougoslavie. Le maire, Luka, voit dans cette rumeur l'opportunité de faire de l'île un gigantesque parc d'attractions avec Tito en invité vedette. Mais les vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui ont servi sous Tito ne croient pas aux esprits... Peut-être est-ce Tito en personne qui est venu restaurer le communisme.

 

Comment donner un petit coup de pouce au tourisme après la guerre des Balkans ? Pourquoi ne pas ressusciter Tito avec parades et drapeaux ? Le fantôme de Tito passe la politique au crible de la satire, du capitalisme opportuniste  au communisme sur le retour. Vinko Brešan enchaîne des gags subversifs qui n'épargnent ni les marxistes nostalgiques ni les nouveaux riches. Derrière le fantôme en uniforme de Tito, c'est l'ancienne et la nouvelle Croatie qui s'affrontent avec une superbe ridicule. Cette fable hilarante a remporté un franc succès aux festivals de Berlin et de Karlovy Vary.

 

 

Les témoins

 

En 1997, la parution en Croatie du premier roman de Jurica Pavičić, "Moutons de plâtre", fit l'objet de débats animés. C'était en effet la première fois qu'un auteur abordait de façon littéraire et critique, sans jouer les héros, sa propre expérience de la guerre - Pavičić servit lui-même sous les drapeaux pendant neuf mois, en 1992/93.

 

L'histoire débute en 1992, dans la ville portuaire de Split. Une unité croate doit effectuer un sabotage en Herzégovine, la région voisine. Le soldat Krešo est chargé de conduire ses camarades à travers un champ de mines qu'il a lui-même placées quelque temps auparavant. Le groupe se trompe toutefois de chemin et l'un des engins explose. Krešo y laisse une jambe, deux autres soldats sont tués. Barić, le frère de l'une des victimes, fait porter toute la responsabilité de cette perte sur Krešo. Après des mois d'hospitalisation, Krešo rentre à Split. Il y trouve du travail mais la reprise de contact avec son ancienne bande de copains s'avère impossible. A la même époque, ses anciens camarades, placés sous les ordres de Barić, préparent une action de représailles contre un négociant serbe en s'attaquant à sa maison, qui est soi-disant inoccupée. L'homme est toutefois chez lui et il est abattu. Les agresseurs enlèvent sa fille de onze ans et la retiennent prisonnière dans un garage. Krešo apprend par hasard ce qui s'est passé. Il parvient à convaincre l'un des hommes du commando de libérer la fillette et de la lui confier. Il a l'intention de la faire passer à l'étranger où elle sera recueillie par des gens de sa famille - mais avant que Krešo ne parvienne à ses fins, Barić a retrouvé la piste des deux fuyards... 

 

Will not stop there (Nije kraj)

 

Le film est une histoire d'amour sous forme de comédie grinçante où un vétéran de la guerre de Croatie se met en quête d'une prostituée serbe. (Bande annonce)

 

 

Les enfants du prêtre (Svećenikova djeca)

 

Pour augmenter la courbe démographique de son île, un jeune prêtre catholique entreprend de percer tous les préservatifs des villageois. Mais après l’explosion du taux de naissances et de nombreux mariages, la situation devient vite incontrôlable. (Bande annonce)

Lors de sa sortie en Croatie, en 2013, le film a fait un tabac, avec 155 000 entrées. Mais certains au sein de l'Eglise croate l'ont dénoncé comme anticatholique.

Golden Arena du Festival du Film de Pula 2013.

 

 

 

 

 

 

3. Interview

 

 

"Nije kraj"  est un film du metteur en scène croate Vinko Bresan, qui depuis fin mai est diffusé dans les salles croates. Il s'agit de la première coproduction croato-serbe. Elle a été financée par les ministères de la culture croate et serbe ainsi qu'avec le soutien du Fonds Eurimages du Conseil de l'Europe.

 

Comment vous-êtes vous décidé à faire un film en coproduction avec le Ministère serbe de la Culture ?

 

- L'idée pour le film m'est venue après avoir lu le récit du scénariste Mate Matišić "Žena bez tijela". [1] Matišić est mon grand ami, c'est lui qui a écrit la musique pour tous mes films et nous avons donc commencé à élaborer un scénario pour le film. En travaillant sur le scénario nous en avons déduit que cela devait être une coproduction croato-serbe, que nous devions aussi élargir ce récit dans l'espace afin qu'il soit plus convaincant. Autrement, je ne suis pas un amateur des coproductions, je pense que très souvent cela nuit à la qualité du film. Il arrive qu'en cas de coproduction les auteurs adaptent le scénario et la dramaturgie à la source d'où proviennent les moyens. Par exemple, dans un film, un Turc voyage depuis la Turquie jusqu'au Danemark puis en cours de route il fait l'impasse sur la Hongrie parce que personne en Hongrie n'a offert les moyens. Toutefois, il s'agit ici d'un cas où il était nécessaire que le film soit une coproduction. C'est un récit croato-serbe et j'attendais à ce qu'il n'y ait pas qu'un seul point de vue, que l'histoire parte de deux directions.

 

Avant le début du tournage, justement parce qu'il s'agit d'une coproduction croato-serbe, les médias ont écrit de façon négative sur le film.

 

- Ils pouvaient écrire ce qui leur plaisait, mais ce sont des niaiseries. On a écrit qu'il s'agissait d'un film sur la guerre pour la patrie, or il se déroule en 2007-2008 et c'est une histoire d'amour qui contient des éléments comiques. Le film parle de la réalité croate, et en dernier lieu sur la guerre pour la patrie. Bien entendu si quelqu'un a une dent contre vous, il n'hésitera pas à publier un mensonge sur vous. Ce n'est pas le seul mensonge à avoir été publié sur le film. On a écrit que les acteurs avaient refusé de jouer dans le film parce qu'il s'agissait d'une coproduction croato-serbe, ce qui n'est pas vrai. J'ai même lu dans un quotidien une critique avant même que le film n'ait démarré. A cause de tels articles j'ai perdu quelques emplacements pour le tournage. Je n'ai pas reçu l'autorisation pour filmer en plusieurs endroits parce que les gens m'ont dit qu'ils ne voulaient pas avoir de problèmes. Ils ont pris peur, ils ont pensé - allez savoir ce qui est filmé.

 

Votre premier film d'acteur "Comment la guerre a commencé sur mon île" avait été conçu à l'origine comme un documentaire. Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?

 

- Au début de la guerre j'avais observé des manifestations de citoyens devant la caserne de Šibenik, cela m'avait fasciné, sur un plan émotionnel et autre. J'avais souhaité filmer cela, en tirer un documentaire, mais je n'avais pas de caméra à l'époque.

 

- Lorsque j'ai mis la main sur une caméra, c'était déjà fini depuis longtemps et la seule manière pour reconstruire cette époque et ces situations était que j'en fasse un film d'acteur. Je suis allé chez mon père, l'écrivain Ivo Brešan, avec l'idée d'un film où il est question d'une manifestation, d'un évènement qui se déroule devant une caserne, mais je n'en avais pas la trame. Alors mon père a construit le récit pour tourner le film.

 

A la fin de l'année dernière a été projeté votre premier documentaire long métrage sur la manifestation de soutien envers la Radio 101 "Le jour d'indépendance de Radio 101". [2] Comment s'est il fait que vous ayez tourné ce film ?

 

- Les gens de Radio 101 m'avaient appelé pour me dire qu'ils voulaient que ce soit justement moi qui le fasse. Jamais auparavant je n'avais réalisé de documentaire long métrage, et celui-là était particulièrement exigeant parce que le gros du matériel provenait d'archives diverses, or il n'est pas facile de retenir l'attention du spectateur avec un film de matériaux d'archives. Le film fut monté, héroïquement, par mon épouse. Ce qui est valable dans le film a été réalisé par elle, et ce qui n'est pas valable tient à mon mérite.

 

Comment vous êtes-vous intéressé au cinéma et à la mise en scène ?

 

- A 11 ans, mon père m'avait emmené sur le tournage du film "Predstava Hamleta u selu Mrdusa donja", de Krsto Papić. Je m'étais ennuyé à mourir sur ce tournage. D'ordinaire, celui qui se rend sur un tournage, mais sans rien y faire, a l'impression qu'il ne s'y passe rien non plus. Quelques années plus tard j'ai visionné les documentaires "Mala seoska priredba", "Kad te moja cakija ubode", "Nek se čuje i nas glas", de Krsto Papić et ils m'avaient fortement plus. L'envie m'avait pris de faire des films. C'est justement à cause des documentaires que j'ai commencé à m'occuper de films. J'ai été accepté à l'Académie des arts dramatiques après une troisième tentative sans quoi j'aurais sûrement renoncé.

 

Votre père, Ivo Brešan, a écrit des scénarios pour des films et des séries et il a fréquenté nombre de metteurs en scènes croates connus, tels que Veljko Bulajić, Krsto Papić, Zoran Tadic, Branko Ivanda, que vous avez eu l'occasion de connaître dans votre enfance. Quelle impression vous ont-ils fait?

 

- J'ai eu la chance, en tant que gamin, d'avoir connu ces gens. Ils étaient très intéressants et impressionnants, quoique à l'époque ils ne m'aient pas incité à ce que je m'occupe de films. La naissance d'un film au niveau du scénario n'est pas précisément attirante pour un enfant. Deux hommes sont assis dans une pièce et ils cogitent sur quelque chose. Ca ne pouvait être amusant que lorsqu'on les entendait : celui-là il faut le tuer dès le début.

 

Depuis 2004 vous êtes directeur de l'entreprise cinématographique Zagreb film, dans le cadre de laquelle ont jadis travaillé certains des meilleurs auteurs croates de films d'acteurs. Depuis des années déjà la production de Zagreb film est plutôt pauvre, et les conditions de collaboration avec les auteurs mauvaises. Qu'est-ce qui a été fait pour que ça change ?

 

- Ce que je considère essentiel est que Zagreb film, il y a un mois de cela, a enfin résolu son plus gros problème. Zagreb film était une grosse entreprise cinématographique située dans un énorme bâtiment. L'air conditionné de ce bâtiment était payé sur le reste de l'argent destiné aux films. Trop d'argent pour les films s'en allait pour payer les frais du bâtiment et c'est la raison principale qui fait que les auteurs ne voulaient pas collaborer avec Zagreb film. Je suis très fier d'être parvenu à faire enregistrer Zagreb film comme institution au niveau de la culture, de sorte que ce problème n'existe plus et que le souci autour de l'air conditionné a été pris en charge par la Ville de Zagreb. Désormais, tous les fonds resteront dans les films et c'est là le début d'un nouveau Zagreb film, après dix années d'errements. Je conçois très clairement les raisons qui font que les auteurs ne voulaient pas collaborer avec Zagreb film. Personne ne travaillerait avec une maison de production qui ponctionne trop d'argent sur le projet de base. Je peux dire avec fierté que j'ai discuté aujourd'hui avec Nedeljko Dragić, un auteur de film de fiction qui a été nommé pour les Oscars. Il souhaite que Zagreb film réalise un gros projet, une série TV de films d'animation. En outre, nous envisageons dans le futur d'ouvrir un large espace d'animation et d'impliquer les gens dans un gros projet commercial.

 

Vous avez dit que votre épouse a monté le film documentaire que vous avez réalisé pour Radio 101. Comment vous êtes-vous connus tous les deux ?

 

- On s'est connu à Šibenik d'où nous provenons tous les deux. Ce fut un amour de lycéens. On s'était connu en troisième classe du lycée. Je me rappelle qu'au moment de se tourner vers les études elle m'avait demandé ce que j'allais étudier. Je lui avais dit que j'allais me diriger vers la mise en scène. Elle avait regardé la brochure sur la faculté dans laquelle étaient énumérées et décrites les orientations à l'Académie des arts dramatiques, et elle y avait vu le montage, ce qui lui avait paru intéressant. Elle m'avait dit, "Allez, je m'inscris au montage et qu'on soit ensemble à la fac". Elle a passé l'examen pour le montage, et moi j'ai loupé la mise en scène. Ce fut pour moi un expérience horriblement dépressive.

 

***

 

[1] La femme sans corps

[2] En son temps, Radio 101 avait été une épine dans le pied du régime autoritaire de Tuđman. Maintenant c'est une radio commerciale parmi d'autres.

 

Source : Zagreb News N°102, le 13 juin 2008.

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Cinéma

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