Janus Pannonius

Publié le 11 Novembre 2009

Janus Pannonius


 

L'évêque et l'homme politique


Evêque et poète, Janus Pannonius est une figure centrale de l'humanisme hongrois. Son nom est János Csezmicei, il est né en Slavonie dans le village de Csezmice qui n'existe plus. Sa mère Borbála était la soeur de János Vitéz évêque de Várad (Transylvanie). Il avait six ans quand sa mère mourut et par la suite János Vitéz s'occupe de son éducation. Il envoya le garçon âgé de 13 ans en Italie à Ferrara où il passa 11 ans dans la maison du célèbre Guarino dont il était le meilleur disciple. Il parlait pafaitement le latin et le grec.


A son retour d'Italie, le roi Mátyás le nomma prévôt car il l'estimait beaucoup et lui adressait sa confiance en tant que membre de son cercle scientifique. Il devint l'évêque de Pécs en 1459 avec le consentement du pape Pie II. Avec János Rozgonyi il faisait partie de la délégation papale et en conséquence il reçut des missions diplomatiques. Il appartenait à la cour de Mátyás et participa aux campagnes contre les Autrichiens et les Tchèques.


Plus tard, avec János Vitéz, ils se tournèrent contre Mátyás et rallièrent les partisans du Prince polonais Kázmér prétendant au trône de Hongrie. Il s'arma contre les troupes royales mais la rébellion a échoué. Il retourna à Pécs. Quand il sut que János Vitéz avait été arrêté, il s'enfuit en Italie. Pendant le voyage, en Croatie, il s'arrêta dans le château de Medvedgrad, propriété de l'évêché de Pécs et gravement malade, il y décéda le 27 mars 1472 à l'âge de 38 ans. Selon les sources écrites, sa dépouille fut transportée en secret à Pécs mais par crainte du roi, elle ne fut pas enterrée mais placée dans une chapelle et conservée dans un cercueil recouvert de poix. L'enterrement n'eut lieu que lorsque le roi vint à Pécs et autorisa l'inhumation. La place de son tombeau disparut des mémoires.


En 1991, un archéologue de Pécs, Gábor Kárpáti, lors d'une fouille dans la crypte de la cathédrale trouva le tombeau intact d'un jeune homme sous l'autel. A côté de la main gauche du squelette, il découvrit une bulle scellée au plomb du pape Paul II. L'emplacement du tombeau, sa situation, ajouté avec des recherches d'archives permet de dire que c'est bien la dépouille de Janus Pannonius.

 

Le poète humaniste

Janus Panonnius était un scientifique célèbre dans toute l'Europe et un poète latin. Ses élégies et ses épigrammes reçurent un meilleur accueil que ses épopées. Ses textes sont caractérisés par un sentiment profond et par une perfection formelle splendide. Dans sa poésie, il éternise avec le regard de l'humanisme de la renaissance italienne les images de son pays et de ses propres sentiments en y insérant ses projets et ses conceptions.


Il est la première grande figure de la littérature hongroise. Il annonce fièrement dans son épigramme "Pannónia dícsérete" (Eloge de la Pannonie) qu'il initie son pays à la littérature européenne. Partout en Italie, il était reconnu comme un versificateur humaniste. On peut regrouper ses oeuvres en trois périodes : celles de Ferrara, de Padoue et de Hongrie. C'est avec des élégies, des épigrammes et des épopées qu'il écrivait en latin qu'il laissa une trace impérissable. Parmi ses élégies, les textes les plus considérables sont le poème "Búcsú Váradtól" (Adieu à Várad) et le poème philosophique "Saját lelkéhez" (A son âme)* écrit en 1466. Son oeuvre lyrique la plus grandiose "Az árvízrõl" (De l'inondation) composée en 1468 fut inspirée par une crue du Danube.


Plus tard, ce sera le roi Mátyás, en pardonnant la trahison, qui collectionnera à l'aide de Péter Váradi ses poèmes pour la bibliothèque Corvina. Sa grammaire hongroise, la première du genre, se perdit. Ce fut Jenõ Abel qui découvrit dans la biblitothèque Saint Marc à Venise plusieurs de ses oeuvres où elles parurent à partir du début du XVIe siècle ainsi qu'à Bologne et à Vienne.


Pour le 500è anniversaire de sa mort, en 1972, ses oeuvres complètes poétiques furent publiées en hongrois. Ce fut pour cet anniversaire que le sculpteur hongrois Miklós Borsos réalisa une sculpture en bronze de Janus Pannonius qui fut placée près du mur d'enceinte du palais épiscopal de Pécs. Cette oeuvre représente le jeune poète en simple soutane de prêtre, portant un chapeau à bord plat et large, avec un livre de poésie entre les mains. Lors de son inauguration, on planta à ses côtés un amandier, en hommage à l'amandier de son poème fleurissant en février.


 

Source :


* A son âme (Elég. I. 12). Lié à Marsile Ficin et auteur d'une traduction latine - perdue - de Plotin, Janus Pannonius connaissait déjà bien le néoplatonisme. L'idée de retourner après sa mort au monde des corps et d'y partager le destin des bêtes plutôt que de revivre sous forme humaine, fait écho à la fois au néo-platonisme et au phytagorisme, ce qui ne manquait pas de nouveauté à l'époque.

 

Ô mon âme dont la lumière a pris source en la Voie lactée,

captive te voici des bas-fonds de mon corps.

Je n'ai repproche à te faire, ô clarté fidèle et vaillante,

tu scintilles si fière en ta sérénité.

Passant les flammes du Cancer, tu vins à moi. L'obscur Léthé

jamais ne ta souillée des marques de l'oubli.

Où le Verseau mystérieux et le Lion aux élans sauvages

se croisent, là ta route en une courbe est née.

A Saturne tu dois l'esprit, à Jupiter ton énergie,

Phébus forgea ton goût, Mars t'emplit du courage,

le plaisir te vint de Vénus, de Mercure le don des arts.

Enfin Cynthia (1) t'offrit la force de croissance.

Sur les frontières de la vie et de la mort Cynthia demeure,

la céleste Cynthia, mère des lois terrestres.

Mais si tu préférais au ciel le poids de la chair et des os,

pourquoi m'as-tu choisi comme sac de poussière ?

Certes le mien me satisfait dans son allure générale :

je me trouve assez grand et de quelque élégance.

Seulement j'ai le corps chétif et porte membres fort graciles.

Le maître m'a pétri d'une assez pauvre argile

et ses mains ont semé la fièvre en mes jointures mal nouées,

en sorte que de maux divers je suis la proie.

Mon front moite ruisselle sans cesse de la sueur du rhume,

mes yeux souvent sont  pleins de je ne sais quels pleurs,

mes reins sont en effervescence et perdent du sang à foison,

mon estomac se glace et mon foie est brûlant.

Tu t'es peut-être réjouie d'avoir un compagnon si faible,

sachant que n'est pas bien solide ta prison ?

Mais à quoi sert donc la sagesse à une poitrine malade ?

Je ne veux être Pittacus (2), étant si mal,

et non plus Atlas le géant, et non plus Milon (3) si robuste.

Mon voeu, bien me porter, même si je suis mince.

Ou que tu protèges longtemps mes membres biens articulés,

ou bien n'y reste pas et retourne aux étoiles.

Et tandis que tu chercheras en tes errances millénaires

à te rendre plus pure, évite l'eau d'oubli.

Ah ! qu'un instant inattentif, il ne revienne ton passé

de terrestres soucis. Evite ce vieux joug !

Si d'aventure un sort cruel te poussait encore ici-bas,

jamais ne deviens homme, entends-moi, jamais homme.

Choisis l'abeille butinant les odorantes fleurs des prés

ou le cygne chantant doucement sur les eaux.

Sur les mers et dans les forêts, cache-toi. Sache seulement

que d'un rocher naquit un jour le corps de l'homme.

 

(1) Forme adjectivale du nom d'Artémis, honorée sur le mont Cynthus, dans l'île de Délos où la déesse est née.

(2) Un des sept sages de la Grèce.

(3) Célèbre athlète du VIe siècle A.C. né à Crotone.

 

 

Source : Poèmes choisis (Carmina selectora) / Janus Pannonius : choix, préface et notes de Tibor Kardos. Trad de Jean Rousselot, Michel Manoll, Paul Chaulot - Budapest : Corvina


 

Res Privatae dans la correspondance de Iohannes Vitéz de Sredna et Janus Pannonius

 

La contribution [1] sous ce titre fait partie d'un projet de recherche sur le thème "Ecriture de soi, ego-documents, auto-perception des communautés", réalisé en collaboration des collègues de l'Université de Zagreb et l'Université Paris VIII. C'était donc des questions de l'autobiographie, d'un genre littéraire, lequel n'est pas facile à définir. Sensu stricto c'est un texte en prose, dans lequel l'auteur raconte sa propre vie ; pour les autres il y a toute une gamme des récits autobiographiques : le journal personnel, le journal intime, la correspondance, etc. Pourtant on ne pourrait pas exclure la poésie de Janus Pannonius, laquelle est profondément autobiographique, de la littérature autobiographique parce que son récit est en vers. C'est pour cela que la théorie a cherché les autres solutions pour ce genre littéraire : écriture autobiographique, ego-documents etc., même Philippe Lejeune a proposé "le pacte autobiographique". J'ai donc étudié quelques éléments d'ego-histoire dans la correspondance de Iohannes Vitéz de Sredna et Janus Pannonius.

 

La scène littéraire et culturelle de la royauté de Hongrie-Croatie du milieu du XVe siècle est marquée par l'action de ces deux personnages illustres nés au nord de la Croatie - en Slavonie. Ils ont réalisé une carrière politique à la cour royale en prenant des positions importantes dans la hiérarchie ecclésiastique. Vitéz est plus âgé (né en 1408), Janus Pannonius est né un quart de siècle plus tard (né en 1434) mais leur dernière année de vie (1472) est identique, ce qui porte une certaine symbolique sur leur réalité commune. Après la conspiration ratée contre le roi Mathias Corvinus, Vitéz s'est trouvé pris dans son château archiépiscopal à Esztergom, tandis que Pannonius fuit en Croatie et meurt miné par la tuberculose à Medvedgrad, château fort près de Zagreb. Un lien familial les a rattaché : Vitéz est un oncle dévoué qui s'occupera à ce que le neveu doué obtienne la meilleure éducation possible - Guarino Veronensis recevra Pannonius dans son école humaniste à Ferrare parmi les élèves qui sont venus de divers pays européens.

 

Bien qu'ils agissent aux extrémités orientales de la frontière de la chrétienté, qu'ils soient inclus à vie dans les guerres incessantes avec l'armée turque, et bien que leur lieu géographique se trouve en marge de l'unité intellectuelle européenne res publica litterarum, ils ont joué un rôle très important dans la connexion culturelle de l'Europe centrale avec les humanistes italiens et les cercles latinistes dans les villes de la côte adriatique croate - Sibenik, Split et Dubrovnik. Devenu évêque du riche évêché de Várad (aujourd'hui Oradea en Roumanie) dans les années cinquante du XVe siècle, Vitéz rassemble de nombreux écrivains et scientifiques dans sa cour en Transylvanie lointaine.

 

L'influence de l'humanisme italien existait déjà dans ces régions et c'est surtout Pier Paolo Vergerio (qui séjourne en Hongrie de 1417 à 1444) pédagogue, qui a fondé ses idées sur l'importance des normes antiques dans la formation de personnalités libres et fortes. Il appartenait à la seconde génération des disciples de Pétrarque.

 

Vitéz a commencé sa carrière professionnelle en tant que modeste chanoine à l'évêché de Zagreb. Lui-même s'est scolarisé probablement à Vienne et par sa vie, son action instructive, sa culture et surtout par son rôle prédominant dans l'éducation et la formation des deux personnes les plus éminentes de cet espace durant la seconde moitié du XVe siècle, à savoir le roi Mathias Corvinus et l'écrivain néo-latin Janus Pannonius, Vitéz a fondé les idéaux de Vergerio.

 

Il a fondé les idéaux humanistes en général. Mais, dans quelle mesure se sont-ils tout à fait recoupés avec les siens propres et les rêves et désirs de sa vie ? Ce peu qui nous reste de sa correspondance en parle. A la différence de Janus Pannonius, Vitéz n'est pas un écrivain né et ses lettres font partie de son travail obligatoire en tant que protonotaire principal de la chancellerie de la cour. De même, une dizaine de discours (des oraisons publiques) sont le résultat de son action politique diplomatique. Cependant, l'Epistolaire, constitué d'une partie des lettres apparues entre 1445 et 1451, a vu le jour pour servir de manuel épistolographique. Quant aux discours contre les Turcs, prononcés par Vitéz à Wiener Neustadt, ils ont été retranscrits sur place pour être lus dans les écoles allemandes, ce qui confirme que son énoncé - son discursus avait des qualités littéraires. Ce genre d'écriture publique est le plus souvent privé des éléments personnels, mais Vitéz, aussi prudent eut-il été et combien l'eut-il évité, n'a pas pu éluder les éléments autobiographiques et se présenter sous des vues diverses de sa personnalité. Parmi les plus intéressantes et les plus complètes de ces vues se trouvent, à mon avis, le moi-écrivain, le moi-ami, et le moi-oncle. 

 

Deux lettres de l'introduction (1455 et 1448) expriment le mieux les raisons pour lesquelles Vitéz a au juste accepté de donner ses lettres et quels sont ses principes épistolographiques. Les deux lettres sont en fait de vivants dialogues avec Pavao Ivanic (Paulus Ivanich), prêtre de l'évêché de Zagreb, qui est à peine parvenu et avec force entêtement à soutirer des lettres à Vitéz.

 

Dans les premières lignes de la lettre introductive (que aliquarum sequencium prologus dici potest) on peut tout de suite reconnaître le style caractéristique de Vitéz :

"Dilecto filio Paulo, notario cancellarie regie salutem.

Morem gerere solitus, fili, votis tuis cumulata instancia preceps agor, ut peticioni tue (vel impeticioni apcius dixerim) cedam magis, quam concedam ; eo pacto, ut palam noveris huic importunitati tue impresenciarum non ex iudicio delatum iri, sed tedio. Urgentes quippe addis stimulos affectui, ne quo languore moreris occupatam solito exigendi vicem, neve refugis precibus tuis repulse minaces scopulos incurreres. Quod quidem sane etsi rapide instancie tue ratio expostulet, tamen id secus decernere placuit, scilicet ne ob preces dignum petitorem exasperem. Multa vero mihi advorsum obeunt, et multa pariter dehortantur ne sermonem (si quis in me est) hoc tempore futilem efficiam." (Epist. praef. 1, 1-4) [2]

 

Vitéz est prudent : ne sermonem (si quis in me est) futilem efficiam - il ne veut pas que sa déclaration soit vide, il exprime sa modestie : "si tant est que j'ai le don du discours". En réalité il y eut assez de raisons objectives, car la teneur des lettres était, et l'est encore après 500 ans, un document d'une valeur inestimable. Elles ont représenté un aperçu dans le fond même de la politique extérieure et intérieure de la cour de Buda. Les personnages y immergent d'un côté dans toute leur dynamique, leurs désirs sans scrupules du pouvoir, et de l'autre avec des efforts justifiés et entêtés de conserver l'intégralité plurinationale du royaume. C'est pourquoi Ivanic et Vitéz sont conscients du danger que peuvent représenter de telles lettres. Mais c'est son état de professeur et de civilisateur qui prévaut en lui :

"At quoniam iuxta oratoris nostri sentenciam par est omnes experiri, qui res magna et magnopere expetendas concupiverunt, cedo instancie tue atque, ut petisti, statui mittere tibi infirma mea, legenti pociora, ut cum inter excellentes illas litteratum veterum regiones lassus forte versaberis, ad hec remittens animum iocabundus conquiescas, ut tandem si summa miraberis, inferiora quoque probas." (Epist. praef. 1,36.)

 

Donc - "j'ai décidé de t'envoyer mes faibles travaux pour que tu puisses te reposer en ton âme et te détendre en gaieté, lorsque tu t'arrêtes par hasard fatigué du mouvement de par les magnifiques régions de la littérature antique". Ce n'est pas seulement une formule de modestie, par cette phrase, Vitéz circonscrit son opinion sur l'influence et la prise en exemple des auteurs antiques. Cette opinion est en conformité avec la perception humaniste de l'antiquité. Vitéz averti Ivanic qu'"il existe tant de lettres connues d'auteurs antiques dans lesquelles l'esprit humain a sué avec tant d'art, qu'il va facilement trouver ce qu'il apprendra et ce qu'il admirera" :

"Extant certe prope te excellencium virorum veterum insignes ille illustreque littere, in quibus tanta arte sudavit ingenium, ut et quis discas, et pariter quis ammireris, recte invenias. Horum igitur erudita lectione crassus sis, ne queras maciem sermonis mei ; in quo forte aliquam edicionem delegeris, mox deprehendes, fateor, ut olim cornicem Esopi alienis coloribus adornatam, ita ut parum reperies a me dictum, quod non dictum sit prius. Nec autem talis accomodati me pudet, nec tedet, inquam, si maiorum doctis ingeniis opportuno usui consuluisse videar, aut explorata aliorum instrumenta meo quoque commercio adaptare sim solitus." (Epist. praef. 1, 28-30.)

 

Il n'a pas honte d'un tel comportement "car Virgile non plus n'a pas rougi lorsqu'il a bu la douce beauté de son poème dans le miel de la rivière d'Homère" :

"Itidem sane tuus Maro non erubuit, qui comptissimi illius atque panagirici (!) carminis sui eruditum dulcorem ex melle Homerici fluminis epotasse astruitur." (Epist. praef. 1, 31.)

 

L'analyse philologique des lettres de Vitéz confirme le grand nombre de citations antiques, toutefois, elles ne restent pas isolées et elles sont complètement incorporées dans l'énoncé de Vitéz. Les particularités stylistiques de Vitéz sont les phrases très développées, les fréquentes figures rhétoriques, les connotations et associations qui amènent par moment à l'incompréhension. Il me semble qu'il fait cela sciemment et que se cache dessous l'un des traits les plus importants de sa personnalité. Il dit en effet : "...j'ai particulièrement peur que tu ne m'amènes à sortir de moi-même, moi qui généralement me tient à l'intérieur, et que tu ne me soutires par ruse l'envie qu'ils me peignent plutôt qu'ils ne me lisent" :

"Et quidem in primis vereor, ne me perperam extra me ipsum producas, qui citra consistere soleo, neve astu perlicias, ut pingi quam legi malim. Hanc enim illecebram nec caucioni mee nec proposito consentaneam paremque futuram ipse consencies. Ego vero haud multum pensi habeo, quo pacto apud ceteros ferar : tu modo eo, quo exigis, animo affectuque petita suspicias !" (Epist. praef. 2, 27-30.)

 

Cette prudence et cette peur d'exposer son for intérieur au public, qu'il s'agisse de son monde émotif ou de la réalisation de ses compétences intellectuelles et compétences littéraires dans les lettres, sont toutes humaines. Il continue de manière un tant soit peu nerveuse : "... du reste, je ne tiens pas beaucoup la manière dont me considèrent les autres". Cette phrase découvre les doutes et l'inquiétude de l'intellectuel autocritique. Enfin il exige d'Ivanic de garder ce recueil de manière éveillée à ce qu'il dépasse la frontière de "la lecture privée" et qu'il ne lui laisse pas la possibilité de trouver porte à travers laquelle il sortirait dehors :

"Sed forte iam modum epistole transgredi videor, dum in calamum tuo stimulo concitatum plurima occurencia irruunt impinguntque. In eius tamen calce hanc unam tibi condicionem edici perferas, ut volumen hoc intra private leccionis terminos fido custode communias, ne per te foras migrandi fores facile inveniat, neve eorum prostituatur examini, apud quos studia nostra optaremus conferre libencius quam preferre." (Epist. praef. 2, 39-40.)

 

La même pensée de Vitéz se répète, cette fois-ci dans un contexte concret, à savoir la même aversion et cet inconfort face à la rencontre avec le monde extérieur.

 

Ivanic a obéi, le recueil est resté conservé en seulement deux manuscrits connus, dont l'un se trouve à Vienne à la Österreichische Nationalbibliothek (Originalexemplar) et n'a été publié pour la première fois qu'au dix-huitième siècle. [3] C'est ainsi que l'Epistolaire de Vitéz est resté inconnu. L'Opus de conscribensis epistulis de Erasme ne sortira qu'en 1521, et entre-temps de nombreux autres manuels circulent en Europe, par exemple un manuel épistolographique écrit par Franciscus Niger [4] et qui a eu cca 50 éditions. Mais ce ne sont que des manuels avec les définitions des divers "genera epistolarum" et les exemples sont des lettres fictives. Au contraire, la correspondance de Vitéz est authentique, ce sont des lettres, lesquelles auraient pu servir comme des exemples. C'est pour cela aussi que Vitéz n'a même pas permis à Ivanic de mettre son nom dans le titre car "libellus iste loquatur materiam, et non loquatur autorem". Quand même la question reste : "Pourquoi a-t-il fini par donner les lettres ?"

 

Moi-ami est une vue tout aussi intéressante de la personnalité de Vitéz. On ne trouve que peu de lettres privées de Vitéz dans l'Epistolaire. Dans l'ensemble ce sont des lettres de nature conventionnelle avec des éloges, des courtoisies communes, parfois de l'humour, des remerciements pour des déplacements réussis, des travaux diplomatiques et des transactions monétaires. La seule lettre dans laquelle il se soit un tant soit peu ouvert, dans laquelle il s'est permis de dévoiler ses sentiments, a été la lettre à l'humaniste polonais Nicolaus Lassocki, écrite juste avant son élection en tant qu'évêque de Várad (1445). Lassocki était un mécène des étudiants polonais, mais en même temps un diplomate, ayant voyagé dans toute l'Europe. Il semble que la lettre soit apparue à un moment de crise dans la vie de Vitéz. Il mentionne un voyage non réalisé, et des commentaires d'Ivanic on peut en conclure qu'il est parti dans un voyage d'étude en Italie mais que des brigands l'ont arrêté :

"Venerande mi pater et domine !

Infelici occupatus tempore via, quam optabat animus, incedere minime potui, verum revectus in meam infinite temptacionis domum, ipsemet - ut vera loquar - ignoro, quo iam consistam gradu. Non, pater, ut omnino oblitus sim condicionis mee, neve inter solidum et lubricum differenciam non esse putem, sed quia de statu meo explicare nescio, quod fortasse reputare scio, presertim dum et nunc aliud apponi mihi, atque aliud opponi conspiciam. Accedit ad hec et ille gravissimus vite mee turbo, quo meus tanta confusione fluctuat animus, ut inter dextram et sinistram hominum non facile discrecionem connicere sciam." (Epist. 20, 1-3.)

 

Est-ce que ça l'a réellement détourné du désir de se laisser aller aux réjouissances intellectuelles dans les cercles humanistes italiens avant qu'il ne se consacre définitivement à la politique en tant que chancelier et haut fonctionnaire clérical ? Ces paroles sincères sont : "J'ignore où m'arrêter" (Ignoro, quo consistam gradu ?). "Non, père, je n'ai pas oublié ma position et je suis conscient de la différence entre le solide et le mouvant, mais c'est parce que je ne sais pas démêler les difficultés de ma situation telles que je sais me les imaginer, surtout lorsqu'en même temps on me reproche quelque chose et on m'approuve autre chose".

 

Le style de cette lettre est plus léger, plus fluide qu'habituellement ; il est construit sur de pures antithèses : incidere via - revehi (partir - revenir), via, quam optabat animus - domus (propria) infinitae temptacionis (voyage que je voulais sincèrement - mon propre foyer de tentation infinie) - les tentations communes interviennent en chemin !, solidum lubricum (sol solide et mouvant), opponere - apponere (reprocher - approuver).

 

La phrase clef dans la lettre est Accedit ad hec et ille gravissimus vite mee turbo, quo meus tanta confusione iam fluctuat animus, ut inter dextram et sinistram hominum non facile discrecionem connicere sciam (C'est en plus de cela le tourbillon le plus grave de ma vie dans lequel mon âme plane incertaine dans une telle confusion que je ne peux distinguer la différence entre les gens qui me sont favorables et ceux qui me sont défavorables). Cette image obtenue par le choix des mots turbo - confusio - fluctuare est assez forte. (Le tourbillon est une manifestation naturelle qui provoque un état confus, et de planer en rond empêche la prise de connaissance du côté droit et gauche.)

 

Il rappelle à Lassocki ses sincères sentiments amicaux et exprime dans le même temps la crainte de perdre des amis. Pour ce qui est des autres, il sait qu'ils lui sont hostiles, mais il n'y prête pas attention (non mihi magno pretio venit). La lettre va se terminer par des paroles posées, il s'abandonnera à la volonté divine, car alea iacta est :

"Scio, pater, quid de me alibi agitur ; non magno mihi pretio venit -, amicos potius perditirum me fortasse perdoleo. Verum comitto divine per omnia voluntati, feram ut potero, quia iam alea iacta est. Credebam me magno fundamento innixum - et ita adhuc credo -, sed quia hiis turbinibus et magne concidunt, parum, referet, si ego pariter huius tonitrui machinis deturber." (Epist. 20, 10-20.)

 

Il est difficile de dire ce qui a incité Vitéz à ranger une telle lettre personnelle dans l'Epistolaire. Lui qui se referme sans cesse sur lui-même dévoile soudainement ses pensées les plus profondes, ses doutes et soucis. Il reste néanmoins prudent, rien de concret n'est indiqué, pas même un nom, pas même un événement. Peut-être qu'à l'aide des mots non mihi magno pretio venit il ne fait que calmer en apparence son inquiétude.

 

Son rapport avec Janus Pannonius a vraisemblablement fourni à Vitéz-l'oncle des soucis mais aussi assez de plaisirs de la vie, notamment au cours de la période plus tardive lorsque leur communauté intellectuelle a été renforcée par des actions politiques et culturelles communes. Lors du bref retour de Janus Pannonius à la maison en 1451 (après 1447), Vitéz écrit une courte lettre à Guarino et exprime sa grande satisfaction quant aux progrès du jeune garçon :

"Egregio viro, domino Guarino Veronensi etc., amico nobis sincere dilecto Iohannes Waradiensis episcopus

Egregie vir !

Revocatum ad nos Iohannem nostrum vidimus, olim puerum, nunc magistri curam doctrinarumque faciem pre se ferentem. Coluimus in eo fraternam personam, verum doctoris ymaginam  multo amplius. Ceterum diligencia, caritas, instituta et benivolencia erga eum habita quanti apud nos habenda sint, exhinc experti iamiam metiri opus habebimus. Eadem quippe racione, qua doctum fratrem amabimus, doctorem quoque laborantem reficere non aspernabimur. Nunc eundem priori loco et fidei remittimus et recommittimus. Valete.

Ex Buda XVII Marcii anno Domini MCCCC quinquagesimo primo." (Epist. 76.)

 

Janus Pannonius a passé onze ans à l'école en Italie, dont sept chez Guarino à Ferrara et quatre à l'Université de Padoue. Il a écrit un certain nombre de poèmes plus grands en hexamètre ( un panégyrique de Guarino réputé ), deux livres élégiaques et environ 400 épigrammes. La thématique est le plus souvent antique mais aussi contemporaine ainsi que profondément personnelle-autobiographique. Il reste aussi une vingtaine de lettres, écrites après 1458, c-à-d. de retour en Pannonie, la plupart du temps à Pécs où Pannonius a été évêque. A côté d'un certain nombre de lettres officielles conventionnelles, les lettres aux amis proches sont précieuses, et ce sont notamment celles adressées à Galeotto Marzio avec lequel il est lié depuis les jours communs de l'enfance chez Guarino et les études à Padoue. A travers les lettres à Galeotto on peut comprendre et analyser Janus Pannonius, de la même manière que Vitéz en tant que poète, ami. Quelques lettres aux autres destinataires montreront aussi l'image de Janus Pannonius comme neveu de Vitéz.

 

Le retour d'Italie amène des tons plus tristres dans la création du poète, il écrira plusieurs poèmes autobiographiques, mais un petit épigramme intitulé De amygdalo in Pannonia nata (Epigr. I, XXVIII) [5] reflète exactement son état :

Quod nec in Hesperidum vidit Tirynthius hortis

     Nec Phaeaca, Ithacae dux, apud Alcinoum.

Quod fortunatis esset mirabile in arvis,

     nedum in Pannoniae frigidiore solo ;

Audax per gelidos en ! floret amygdala menses,

      Tristior et veris germina fundit hyems.

Progne, Phylli tibi, fuit expectanda ; vel omnes

      Odisti jam post Demophoonta moras ?

 

Il ne cesse de travailler, il annonce à son ami la traduction d'Homère:

"Ioannes Pannonius Galeotto Martio Narnensi S.D.

Cum incidissent in manus meas Homerici cujusdam interpretis aliquot libri ; tertius, puta, quartus et quintus ; nolui quicquam de illo temere judicare, nisi prius et meas ipse vires, in eadem, ut ita dixerim palaestra experirer. Quod etiam eo libentius feci, ut hoc uno compendio tam Graecas litteras, quam versificandi usum, longo tandem postliminio repeterem ; quarum duarum rerum, ab ineunte, ut nosti, pueritia, semper fueram studiosus ; sed iam pridem ambas aeque intermiseram, cum aliis occupationibus districtus, tum quod in hac nostra barbaria, nec librorum copia dabatur, nec qui excitare studium posset, usque applaudebat auditor..." (Epist. III.)

 

Il se plaint à son ami : "... comme tu le sais, je m'occupe depuis l'enfance de la littérature grecque (Graecae litterae) et de versification (versificandi usus), et maintenant j'ai abandonné les deux, en partie empêché par les autres travaux, en partie en raison de ce que dans ce lieu sauvage il n'y a ni livres ni les applaudissements d'auditeurs qui pourraient me pousser au travail (qui excitare studium posset). Il considère qu'il n'est plus un poète dont la gloire est chantée (quem... fama decantat), car tout ce qu'il a bu à la source de Guarino s'est asséché à cause de la longue interruption :

"Non sum ego is, quem vel tu existimas, vel fama decantat. Si quid olim de fonte Guarini nostri, quem tu merito laudas, hauseram, id tam longa intermissione exaruit." (Epist. XI.)

 

Bien sûr que son inspiration ne s'est pas asséchée, il a continué d'écrire, mais la maladie, la mort de sa mère et la participation aux entreprises guerrières ont introduit l'insatisfaction et l'appréhension dans sa poésie, de sorte que par instant cela devenait de plus en plus personnel.

 

Dans une autre lettre joyeuse et spirituelle, adressée à Galeotto, Janus Pannonius attend avec impatience l'arrivée de son ami :

"... Illud jam nunc tecum paciscor, ut reduci tibi, post aliquantam domi morulam, Pannonia fit Corcyra, ego Alcionous. Eritne umquam illi dies, quo omnes ab ore tuo pendebimus, et mirabimur narrantem :

Oceani monstra, et iuvenes vidisse marinos ?

Ac longe Calpe relicta,

Audisse Herculeo stridentem gurgite Solem ? Et

Quanto Delphinis Balaena Britannica maior ?

Tu loqueris quicquid voles, nos omnia credemus." (Epist. XIII.)

 

"... va-t-il donc finir par venir ce jour lorsque nous écouterons tous avec attention tes paroles et que nous t'admirerons lorsque tu nous raconteras, ... car quoi que tu raconteras, nous te croirons entièrement". L'ironie joyeuse et les remarques spirituelles sont caractéristiques des lettres de Galeotto. C'est ainsi par exemple qu'il répond à la requête de Galeotto pour qu'il lui envoie des livres par l'interjection :

"Postremo suades ut libros mittam. An nondum etiam satis misisse videor ? Graeci mihi soli restant, Latinos iam omnes abstulistis. Dii melius ! Quod nemo vestrum Graece scit ! Puto et ex Graecis nullum mihi fecissetis reliquum. Quodsi didiceritis, ego mox Iudaicum ediscam, et ex Ebraeis codicibus Bibliothecam inscribam... Testor Musas ispsas, et lecturum me, et scripturum fuisse plurima, sed iam extortis mihi harum rerum sudsidiis, necessario conticescam, et linguam rubigini permittam." (Epist. XVII.)

 

"Ne vous en ai-je donc pas suffisamment envoyés, il ne me reste que les grecs, vous avez emportez tous les latins. Quelle chance que vous ne sachiez pas le grec ! Et si jamais vous appreniez le grec, j'apprendrais l'hébreu et je commanderais une bibliothèque avec les codex juifs...". Il est connu que Vitéz et Janus Pannonius avaient de riches bibliothèques, lesquelles sont entrées après leur mort dans la bibliothèque de base de Corviniana. Ils se sont le plus plus souvent approvisionnés en Italie précisément à travers Vespasiano da Bisticci. Ce que les livres pour Janus Pannonius signifiaient clairement est indiqué par ces mots : Non ego possidere affecto libros, sed uti (Je ne veux pas posséder des livres mais les utiliser)... "Je jure auprès des Muses que j'ai eu l'intention de beaucoup lire et de beaucoup écrire, mais si ce support m'est ôté, je me tairais et j'abandonnerais ma langue à la rouille".

 

Le personnage du poète et celui de l'ami s'entremêlent dans ces lettres. Du point de vue stylistique, elles sont fortement différentes de celles de Vitéz, construites sur des phrases brèves et simples, sans grandes figures rhétoriques, sans déclaration à double sens, avec les citations d'auteurs antiques qui sont séparées.

 

Le rapport envers l'oncle, ainsi que celui de Vitéz envers le neveu, peut être trouvé indirectement dans les lettres aux autres correspondants. Certains se sont adressés à Janus Pannonius avec la requête qu'il les recommande à son oncle. Il répondra à l'un de ses amis :

"Postremo quod petis te R. D. avunculo meo fieri commendatum, habes quod optas. Fovet ille vir, et quidem sua sponte, omnes doctos ac tui similes viros. Tu modo perge, ut coepisti, et ambobus nobis te carum esse confidito." (Epist. XI.)

 

"... tu me demandes de te recommander à l'honorable homme mon oncle. J'ai fait ce que tu as voulu. Cet homme est enclin, même sans recommandation, à toutes les personnes cultivées et à tes semblables. Continue comme tu as commencé et tu nous seras cher à tous deux."

 

Bien que ni Vitéz ni Janus Pannonius n'aient eu l'intention d'écrire sur eux-mêmes en écrivant leurs lettres, ils ont quand même introduit consciemment ou inconsciemment des éléments de leur propre ego-histoire. Si l'on compare les réflexes de leurs personnalités à travers le moi-écrivain, le moi-ami, le moi-oncle/neveu, il me semble que le lien familial se déroule à la fois de manière heureuse et satisfaisante, qu'il a enrichi et ennobli les deux.

 

De plus, ils avaient de nombreux amis, Janus Pannonius en particulier. Dans ses nombreux épigrammes il se comporte de manière spirituelle, chaleureuse et avec une pointe d'ironie vis-à-vis de ses camarades. Il en est de même dans ses lettres mais en étant un peu plus calme. Les lettres de Vitéz aux amis n'ont pas cette simplicité et cette cordialité, il s'abandonnait difficilement aux sentiments et n'ouvrait pas son coeur.

 

Ils sont également différents en tant qu'hommes de plume. Janus Pannonius est un poète né, et son excellente éducation humaniste contribuera à en faire l'un des poètes les plus connus de son temps. Quelle que soit la situation dans laquelle il se soit trouvé, quand bien même jusque dans la froide Pannonie profonde ou sur le champ de bataille dans les forêts bosniaques, sa Muse l'inspirera.  Les lettres de Vitéz quant à elles apparaissent en tant que partie intégrante de son travail, il est avant tout un politicien et un chancelier, et seulement après écrivain. Malgré tout, en envoyant ses lettres dans le monde, Vitéz l'humaniste et le civilisateur a vaincu le Vitéz autocritique et l'intellectuel prudent. Le désir de contribuer de cette manière également à la formation de la jeunesse, de transmettre une partie de son savoir et son art aux autres, d'éveiller chez les jeunes une étincelle d'aspiration à conforter les meilleures capacités humaines, a été plus fort. Cette aspiration qui vibrait en lui d'une forte flamme, il la nomma lui-même, dans toute sa complexité, par un seul terme - humanitas.

 

[1] Ce texte est la version orale de la relation tenue à l'Université Paris VIII (1998), à l'université de Salzburg (2000) et lors du "Convegno sulla di Giano Pannonio" Ferrara (2002).

[2] Edition : Iohannes VITEZ de Zredna, Opera quae supersunt, ed. Iván BORONKAI, Budapest, 1980 (Bibliotheca scriptorum medii recentisque aevorum : Series nova, 3).

[3] J.G. SCHWANDTNER, Scriptores rerum Hungaricarum veteres ac genuini, vol II, impensis J.P. Kraus, bibliopolae Vindobonensis, 1741, 3-106.

[4] Modus epistolandi, éd. 1-ère : Venetiis, 1488 ; éd 57-ème : Venetiis, 1598.

[5] Edition : IANI PANNONII Poëmata quae uspiam reperiri potuerunt omnia, I-II, ed. Samuel TELEKI, Traiecti ad Rhenum, Bartholomaeus Wild, 1784.


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Bibliographie

 

Vilmos FRAKNÓI, Vitéz János esztergomi érsek élete, Budapest, 1879.

Ivan CESMICKI (JANUS PANNONIUS), Pjesme i epigrami, tekst i prijevod, preveo Nikola SOP, Zagreb, Jugoslavenska akademija znanosti i umjetnosti, 1951 (Hrvatski latinisti).

Tibor KARDOS, Petrarca e la formazione dell'umanesimo ungherese, in : Italia ed Ungheria : Dieci secoli di rapporti letterari, Budapest, Akadémiai Kiadó, 1967.

V. GORTAN - V. VRATOVIC, Hrvatski latinisti / Croatici auctores qui Latine scripserunt, Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique, Paris, 1975.

Olga PERIC Zbirka pisama Ivana Vitéza od Sredne, Ziva antika (Skopje), 28 (1978), 399-404.

Marianna D. BIRNBAUM, Janus Pannonius : Poet and Politician, Zagreb, Jugoslavenska akademija znanosti i umjetnosti, 1981 (Razred za filologiju, 56).

Mirna VELCIC, Uvod u lingvistiku teksta, Zagreb, 1987.

Hrvatksi latinisti, razdoblje humanizma, priredio i predgovor napisao Darko NOVAKO-VIC, Zagreb Erasmus, 1994 (Hrvatska knjizevnost od Bascanske ploce do nasih dana, 2).

Latinsko pjesnistvo u Hrvata, dvojezicna antologija, priredio Vladimir VRATOVIC, Zagreb, Skolske novine, 1997.

Andrea ZLATAR, Autobiografija u Hrvatskoj : Nacrt povijesti zanra i tipologija narativnih oblika, Zagreb, Matica Hrvatska, 1998 (Mala knjiznica Matice hrvatske, Novi niz : kolo VII, knjiga 39).

 

Auteur : Olga Peric

 

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Rédigé par brunorosar

Publié dans #Ecrivains

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