Ivana Sajko
Publié le 7 Novembre 2009
Ivana Sajko
Jeune écrivain, dramaturge et metteur en scène
croate née en 1975 est l'auteur de treize pièces dont plusieurs ont été couronnées de prix dans son pays (grand prix Marin Držić 1999, Prix Sfera 2000, troisième prix Marin Držić 2003, prix Ivan Goran Kovačić pour son roman Rio
Bar, 2006, etc.) et traduites en anglais, en allemand, en italien, en slovaque ou encore en slovène. En français, quatre pièces sont traduites et les droits sont détenus par les éditions de
l'Arche. Ses pièces ont été jouées en Croatie, Slovénie, au Monténégro, en Espagne, Turquie, Lettonie, Allemagne (cinq créations) et en Autriche, aux Pays Bas, aux Etats-Unis et en Australie.
Critique théâtrale et critique d'art, elle est aussi rédactrice de la revue littéraire Frakcija (Fraction) et membre fondateur de la compagnie théâtrale zagréboise Bad Co. Depuis 2004, elle
pratique des "lectures autoréférentielles", un mélange entre le one-man show, la conférence, le débat et la performance. Elle a ainsi présenté les genèses de La Femme Bombe et l'Archétype Medée à
Grenoble, Essen, Melbourne, Ljubljana et Zagreb. Son "monologue" Europe a été lu dans le cadre du festival d'Avignon 2006, et au festival Regards croisés à Grenoble, la même année, avec
trois autres de ses pièces.
Sur la scène croate, la figure d'Ivana Sajko s'impose d'emblée comme particulièrement forte. Comme toute une génération de jeunes auteurs apparus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie après l'éclatement du pays et les dramatiques conflits des années 90, elle interroge brutalement le monde contemporain. En puisant à la fois dans l'actualité (les guerres, le terrorisme) et dans le symbolique de l'intime (autour de la figure de la femme notamment, prise entre banalité et mythe), elle donne à ses textes une structure polymorphique et une puissance poétique remarquable.
Source : atelier-traduction.com
Extraits :
"Les enfants : Toute seule, elle a enfoncé ses ongles entre les omoplates du bovin indocile et lui a coupé sa langue bavarde. Toute seule, elle est partie vers un avenir meilleur sur ce taureau blanc qu'avaient jadis chevauché des généraux et des colonels. Elle avait orné la tête de l'animal d'une couronne de fleurs qui ressemblaient à l'auréole des saints sur les tableaux. Plus personne ne doutait de son fair-play. Toutes ses victoires appartenaient désormais au passé. Toutes ses batailles avaient été gagnées. Et chacune d'elles avait été célébrée par un chant. Tous les ossements s'étaient transformés en poussière. Il ne restait partout qu'une blancheur hygiénique."
Monologue pour mère Europe et ses enfants
"LE TENOR
Il pleut toujours. Les journées vont continuer à s'écouler comme jusqu'à présent. Bruineuses, dégoulinantes. Tous les matins, tu ouvriras la fenêtre et tu
contempleras la surface trouble des eaux. Et jamais il n'y aura rien d'autres que nous deux. Il serait stupide de nous mettre à nous détester, à nous tourner le dos, à ne plus nous adresser la
parole... Si nous demeurons les seuls êtres encore en vie, il serait horrible que tu n'aies plus rien à me dire. Après les grands bouleversements se produiront de petits changements, des
révolutions au jour le jour, accompagnées de nouveaux hectolitres venant grossir les eaux marécageuses du vieux bassin. Toi, si tu le peux, observe ce qui se passe en profondeur, dirige ton
regard vers les racines des nénuphars, vers le fond et les sépultures, vers les yeux menaçant de la crue. Puis, si tu le peux, viens jusqu'à moi. Je dormirai encore. Ne tremble pas en cet
instant, ne te montre pas froid, ni veule. Ne m'éveille pas si tu n'as pas à me dire des phrases plus agréables que mes rêves. Réveille-moi pour me donner une raison de me lever.
(Et c'est tout ce que le Ténor a jamais pu attendre d'un matin : le plaisir de s'étirer paisiblement, avec la certitude que le jour s'est à nouveau levé.)"
4 pieds au sec