Descendance frankiste en Croatie-Hongrie

Publié le 17 Avril 2013

 

Descendance frankiste en Croatie-Hongrie

 

 

La Croatie après la Pologne est, comme nous l'avons écrit au cours de ce travail, centrale pour le mouvement frankiste. Une Grande Croatie catholique développée par le comte Draskovic en 1832, fut reprise par François-Ferdinand, qui fut assassiné en 1914 à Sarajevo, par le Serbe Gavrilo Prinzip dirigé par le mouvement Jeune-Bosnie. Etrange corrélation si l'on pense que le ministre des finances et responsable de la Bosnie-Herzégovine, Léo von Bilinsky, descendant frankiste, ne prévint pas l'archiduc François-Ferdinand d'un risque d'attentat à Sarajevo, malgré les avertissements de l'ambassadeur de Serbie à Vienne, Jovan Jovanovic. Plus étrange et incompréhensible si l'on songe à la solide amitié entre l'archiduc et Ivo Frank, descendant frankiste (et de Frank !), fervent partisan d'une Grande-Croatie à égalité politique avec l'Autriche et la Hongrie. Le fait que Bilinsky n'ait pas prévenu l'archiduc peut s'expliquer dans un premier temps, parce qu'il n'a pas cru tout simplement au risque d'attentat, mais aussi et surtout parce que von Bilinsky fut un fervent politicien pour inclure une... Grande Pologne dans l'empire austro-hongrois et donc proposer un trialisme au profit de la Pologne et au détriment de la Croatie contre l'avis de l'archiduc. Aussi, si un Josip Frank se bat pour une Grande Croatie et Léo von Bilinsky se bat pour une grande Pologne prouve la montée sociale extraordinaire des descendants du mouvement et qu'il n'y a plus de solidarité entre descendants frankistes : chacun défend son identité nationale et est un fervent nationaliste de son pays de naissance.

 

Rappelons que François-Ferdinand voulait rompre la dualité austro-hongroise en construisant un trio austro-hongrois-Grande-Croatie (Grande Croatie associée à la Bosnie-Herzégovine, plus connue sous le nom d'Illyrie) qui permettait enfin aux Croates catholiques de s'échapper de la tutelle hongroise. Tutelle que François-Ferdinand haïssait. De fait, rappelons que François-Ferdinand fut un grand partisan du rattachement de la Bosnie-Herzégovine à la Croatie suite à son occupation en 1878.

 

François-Ferdinand fut inspiré en cela par les héritiers frankistes émigrés en Croatie qui fondèrent, en 1895, le parti “Frankovci” pour la liberté de la Croatie catholique dirigé par son ami Ivo Frank. Le père d'Ivo, Josip Frank, serait le petit-fils de Jacob Frank. Il avait été secrétaire d'Ante Starcevic, dit le “Stari” (le vieux en croate), puis à sa mort, survenue en 1896, il devint son successeur à la tête de son parti, le Parti du Droit. Le colonel Kvaternik épousera la fille de Josip Frank. Officier de l'armée austro-hongroise aux dernières heures de l'Empire, Kvaternik est le fils d'un professeur croate d'Herzégovine qui organisa une révolte en 1878 contre l'occupant ottoman. Les familles Frank et Kvaternik reformeront une union entre le Parti du Droit et le Parti frankovci, qui sera ensuite appelée la fameuse Oustacha d'Ante Pavelic. Il est intéressant d'analyser l'idéologie Oustacha car, dès sa formation, elle n'aura de cesse de séparer les Croates d'une quelconque origine slave : en effet, le parti frankovci avait déjà émis l'hypothèse que les Croates sont d'origine gothique, voire iranienne. Cette dernière origine fut justement celle défendue par Adam Mickiewicz, dans son oeuvre monumentale sur les Slaves en cinq volumes et grand adepte de l'Eglise nouvelle et du Messinanisme, qui a de fortes connotations frankistes.

 

Ante Pavelic épousera une jeune femme de la bourgeoisie juive convertie de Zagreb. Ce dernier sera secondé par le converti Vlado Singer et par le jeune fils de Kvaternik qui descend donc lui-même, par sa mère, de Jacob Frank puisque sa mère est la fille de Ivo Frank, fils de Josip Frank, lui-même petit-fils de Jacob Frank. La femme du Maréchal Kvaternik, père, se suicida curieusement en 1945 à l'arrivée des troupes titistes dans Zagreb.

 

Raul Hilberg, dans son oeuvre magistrale sur la Shoah, est le seul chercheur à ce jour à avoir souligné plus ou moins (en quelques lignes) le rôle des Juifs convertis au catholicisme croate dans le mouvement oustachi (et ils étaient nombreux, ainsi qu'un grand nombre de Serbes et même un métropolite orthodoxe russe !), tout comme personne jusqu'ici ne s'est penché sur le caractère sectaire de ce mouvement qui, parallèlement aux horreurs bien réelles antisémites, antiserbes et antitsiganes, ont cherché à convertir les Serbes orthodoxes et les Juifs tenant du judaïsme, au catholicisme croate.

 

Raul Hilberg souligne la proportion assez importante des “Aryens d'honneur” et la présence très importante de descendants de Juifs convertis comme Vlado Singer, formateur des unités oustachis en Autriche avant-guerre, Alexander Klein, “aryen d'honnneur”, représentant de l'Etat croate en Italie et Hongrie, pour l'approvisionnement, un certain Jasinski, nom répertorié frankiste, qui fut en charge des accords de paix entre l'Etat oustachi et la Turquie neutre (où la présence dönmeh au gouvernement ne fut pas forcément négligeable), ou de dirigeants oustachis mariés à des juives de milieu converti. Nous pouvons citer bien sûr Kvaternik, descendant lui-même des Frank, côté maternel, Ante Pavelic, Dr Artukovic, Mile Budak, tous mariés à des juives converties. Notons que certains “aryens d'honneur” ont eu le “privilège” de changer de nom pendant la guerre et de prendre des noms croates. Familles qui existent encore aujourd'hui en Croatie ou en Amérique latine.

 

En Croatie tout comme en Pologne, la conversion de Juifs au catholicisme a été une constante et a perduré jusqu'au mouvement Oustachi qui prend le pouvoir en 1941 et après-guerre, dans la lutte anti-communiste et antiyougoslave, nous pouvons peut-être y voir une lointaine déviance du mouvement frankiste.

 

Ainsi, y a-t-il un lien familial entre Trebitsch-Lincoln originaire de Budapest, et au comportement typiquement frankiste et la famille Schwartz, originaire de Zagreb, puisqu'un descendant, Mladen Schwartz – sabbataïste ? - est aujourd'hui le continuateur d'un parti d'extrême droite néo-oustachi en Croatie, et l'autre, Fernand Schwartz, fondateur d'un parti d'extrême droite sud-américain, la Nouvelle Acropole, très présent dans les universités françaises. Les deux “formations” existent encore aujourd'hui en Europe et en Argentine et cultivent un culte de l'armée, à faire pâlir Jacob Frank et son embryon d'armée. Paradoxalement, la famille Schwartz de Croatie-Hongrie avait donné auparavant Lavoslav Schwartz (1837-1906), notable de Zagreb qui a participé à la vie juive et non juive de Zagreb en finançant de nombreuses institutions. Un hospice porte encore son nom à ce jour. La famille Schwartz a donné, par la suite, le fameux rabbin Gavro Schwartz, Grand rabbin ashkénaze de Yougoslavie, de 1928 à 1941, et Emil Schwartz, le secrétaire personnel du rabbin de Zagreb, Miroslav Salom Freiberger. Après 1945, Emil Schwartz, s'évertua, sous son nouveau nom israélien – Amiel Shomrony -, à défendre le cardinal Alojzije Stepinac accusé de complicité de génocide organisé par les Oustachis. Les rabbins Freiberger et Gavro Schwartz furent, quant à eux, assassinés par la barbarie oustachie. Des survivants de la Shoah de cette famille, vivent actuellement en Israël. Les dissenssions et les différends au sein de la famille Schwartz montrent encore tous les paradoxes d'une famille juive tiraillée entre vie juive et nationalisme, voire peut-être avec le sabbataïsme ou ce qu'il en reste. La majorité de la famille Schwartz a été décimée par les oustachis croates.

 

 

Source : Charles Novak, Jacob Frank le faux messie : Déviance de la kabbale ou théorie du complot, Editions L'Harmattan, 2012, pp 188-191.

 

 

Rédigé par brunorosar

Publié dans #Oustachisme, #sectarisme et extrêmisme

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