Branko Čegec
Publié le 4 Novembre 2009
Branko Čegec
Le poète, critique, essayiste et romancier Branko Čegec est né en 1957 à Kraljev. Il est diplômé de croate et de littérature comparée de la Faculté de philosophie de Zagreb. Il a été rédacteur en chef de nombreux journaux et magazines culturels croates et ses poèmes sont parus dans diverses revues et anthologies, en Croatie comme à l'étranger. Il a été traduit en anglais, allemand, français, italien, slovène, ukrainien, ruthène, macédonien, polonais, hongrois et lituanien. Parmi ses ouvrages, on peut citer Eros-Europa-Arafat (1980), Sexe occidento-oriental (1983), Le legs de l'avant-garde (1983), Une chronique de la mélancolie (1988), Les écrans du vide (1992 et 2001) et Le fantôme de la liberté (1994).
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l'écume des jours ( traduit du croate par Vanda Mikšić )
après avoir roulé nerveusement sur le macadam pendant deux heures
nous sommes entrés, encore chauds, dans un car-wash
automatique. de nombreuses lances se sont mises à cracher une écume dense, nous couvrant entièrement des regards extérieurs.
j'ai pris sa main droite en la posant sur mon genou.
l'image du monde a tout d'un coup changé : comme
fouetté par un balai d'adrénaline, il a porté sa main
plus haut : l'humidité a imprégné ma culotte plus vite que les cascades
descendant furieusement les côtes claires de la voiture.
d'un mouvement brusque il a glissé sa main sous mes fesses,
sans bouger de son siège, et s'est mis à diriger,
avec son majeur fin et agité, la version guerrière de la neuvième
de beethoven,
que je me rappelle avoir entendue dans orange mécanique : une philharmonie,
un soliste juif connu au nom difficile à retenir,
une lampe vacillante loin de la scène
et un bras qui dirige énergiquement.
à la vitesse d'un jaguar je me suis penchée en lui
libérant la voie. d'un geste j'ai ouvert la fermeture éclair
de son short bleu foncé aux poches latérales
et sa queue joyeuse, bien modelée, se débattait déjà
dans ma bouche. ma langue travaillait dur,
jusqu'à ce qu'un coulis douceâtre ne me rappelât
les circonstances. selon l'horloge du tableau de bord
quatre minutes s'étaient écoulées, si j'avais bien retenu
l'heure d'entrée. un immense appareil à plusieurs tuyaux séchait
la voiture qui brillait à la lumière insoutenable
d'un après-midi d'été encore brûlant.
le feu vert s'est allumé et lui,
d'un geste machinal, est passé en première.
à la sortie, une caissière flemmarde
nous a salués de la main.
Pjena dana
nakon dva sata nervozne vožnje po makadamskoj
cesti ušli smo, još vreli od puta, u automatsku
autopraonicu. iz mnogobrojnih je mlaznica
sunula gusta pjena i vidik se u vozilu sasma zamračio.
uzela sam njegovu desnu ruku i privukla je na svoje koljeno.
slika svijeta u hipu se promijenila : kao da ga je
ošinula adrenalinska metla, šmugnuo je rukom
prema gore : vlaga je probila gaćice brže od slapova
koji su se rabijatno slijevali niz svijetle padine vozila.
naglim je pokretom istu ruku zavukao ispod moje guze,
ne pomičući se sa sjedala, i tankim nervoznim srednjakom
počeo je dirigirati ratnu izvedbu beethovenove devete,
meni uglavnom znane iz paklene naranče : filharmonija,
jedan poznati židovski solist teško pamtljiva imena,
jedna treptava svjetiljka daleko od pozornice
i ruka koja dirigira energičnim pokretima.
sagnula sam se brzinom jaguara i tako mu
otvorila put. jednim trzajem rascvala sam zatvarač
na njegovim tamnoplavim bermudama s džepovima
sa strane i veseli, lijepo oblikovani kurac već mi se
koprcao u u ustima. snažno sam svrdlala jezikom,
sve dok me sladunjavi preljev nije
podsjetio na okolnosti. po satu na armaturi
prošle su četiri minute, ako sam dobro zapamtila
vrijeme ulaska. veliki višecijevni fen sušio je
automobil koji se ljeskao pod nepodnošljivim
svjetlom još vreloga ljetnog popodneva.
upalilo se zeleno na semaforu i on je
rutinskim pokretom ubacio u brzinu.
blagajnica na izlazu lijeno je
mahnula pozdrav.